Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/39

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qu’un incendie les avait plongés dans l’indigence, et avait réduit à deux le nombre des individus qui composaient jadis cette famille. La moindre allusion à ce fatal événement donnait à la voix du père un tremblement dont le cœur même de Katy ne pouvait s’empêcher d’être ému. Mais nulle barrière ne suffit pour arrêter une curiosité sans délicatesse, et elle persista tellement à vouloir la satisfaire, que Harvey, en la menaçant de donner sa place à une femme qui avait quelques années de moins, l’avertit sérieusement qu’il y avait des bornes qu’il ne serait pas prudent à elle de passer. Depuis cette époque sa curiosité avait été à la gêne, et, quoiqu’elle ne négligeât jamais une seule occasion d’écouter, elle n’avait pu ajouter que bien peu de choses au trésor de ses connaissances. Il y avait pourtant, un secret, et qui n’était pas sans intérêt pour elle-même, qu’elle était parvenue à découvrir ; et dès l’instant qu’elle eut fait cette découverte, elle dirigea tous ses efforts vers l’accomplissement d’un projet inspiré par le doublé stimulant de l’amour et de la cupidité.

Harvey était dans l’habitude de rendre des visites fréquentes, mystérieuses et nocturnes à la cheminée de l’appartement qui servait de cuisine et de salle à manger. Katy épia ce qu’il y faisait, et, profitant un jour de son absence et des occupations de son père, elle souleva une des pierres de l’âtre de la cheminée, et découvrit un pot de fer dans lequel brillait un métal qui manque rarement d’attendrir les cœurs les plus durs. Elle réussit à replacer la pierre de manière à ce qu’on ne pût s’apercevoir de la visite qu’elle avait rendue au trésor, et jamais elle n’osa se hasarder à lui en faire une seconde. Mais depuis ce moment le cœur de la vestale perdit son insensibilité, et rien ne s’opposa au bonheur d’Harvey que son manque d’observation.

La guerre n’apporta aucune interruption au trafic du colporteur. Les entraves qu’éprouvait le commerce régulier étaient même une circonstance favorable pour le sien. Il ne semblait occupé que d’un projet, celui de gagner de l’argent ; pendant les deux premières années de l’insurrection, rien ne le troubla dans ses opérations, et le succès répondit à ses travaux. À cette époque, des bruits fâcheux se répandirent sur son compte ; une sorte de mystère qui couvrait tous ses mouvements le rendit suspect aux autorités civiles, et elles jugèrent à propos d’examiner de près sa manière de vivre. Ses emprisonnements, quoique fréquents, ne furent pas de longue durée, et les mesures prises contre lui par le