Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/397

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Pendant ces mouvements, Betty Flanagan conduisait sa petite charrette avec un zèle infatigable à travers les montagnes du West-Chester, tantôt discutant avec le sergent Hollister sur la nature des malins esprits et la qualité des liqueurs spiritueuses qu’elle vendait, tantôt se querellant avec le docteur Sitgreaves sur divers points de pratique qui se présentaient tous les jours relativement à l’usage des stimulants, sujets sur lesquels ils avaient une opinion diamétralement opposée. Mais on vit enfin arriver le moment qui devait mettre fin aux discussions et aux querelles. Un détachement de milice des provinces de l’est sortit des gorges des montagnes et s’approcha de l’ennemi.

La jonction de Lawton et de cette troupe auxiliaire se fit à minuit, et les deux chefs se concertèrent sur les mesures qu’ils avaient à prendre. Après avoir écouté le capitaine, qui méprisait un peu la prouesse de l’ennemi, le commandant de l’infanterie prit la résolution d’attaquer les Anglais dès que le jour permettrait de reconnaître leur position, sans attendre l’arrivée de Dunwoodie et de la cavalerie. Dès que cette détermination fut prise, Lawton sortit du bâtiment où la conférence avait eu lieu, et alla rejoindre sa petite troupe.

Le petit nombre de dragons qui étaient sous les ordres de Lawton avaient attaché leurs chevaux au piquet près d’une meule de foin, à l’abri de laquelle ils s’étaient ensuite couchés pour prendre quelques heures de repos. Mais le docteur Sitgreaves, le sergent Hollister et Betty Flanagan étaient à part à quelque distance, sur des couvertures qu’ils avaient étendues sur la surface raboteuse du rocher. Lawton vint se placer à côté du docteur. Enveloppé de son manteau, la tête appuyée sur une main, il semblait contempler la lune qui parcourait majestueusement le firmament.

Le sergent écoutait dans une attitude respectueuse des instructions que lui donnait le docteur ; et Betty, dont la tête reposait sur une petite barrique de sa liqueur favorite, la soulevait de temps en temps, partagée entre l’envie de dormir et le désir de parler pour défendre quelqu’une de ses doctrines favorites.

— Vous devez sentir, sergent, dit le docteur, qui s’était interrompu quand Lawton était arrivé, que si vous portez un coup de sabre de bas en haut, il perd la force additionnelle que lui donne le poids de votre corps et devient moins fatal à la vie humaine ; et cependant il n’en arrive pas moins au but véritable de la guerre, qui est de mettre l’ennemi hors de combat.