Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/119

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comme le plus sacré vous ne pensez sûrement pas ce que vous dites ?

— Telle mère, telle fille ! Que la désobéissance et le manque de respect prennent possession d’une mère, et la contagion gagnera tous les enfants, fussent-ils une douzaine. Écoutez-moi bien, miss Mildred : c’est vous qui ne savez ce que vous dites, tandis que moi, je m’entends fort bien, comme la plupart des pères. Votre mère ne vous parlerait jamais de ce que je crois mon devoir de vous mettre sous les yeux très-clairement. C’est pourquoi j’attends de vous que vous m’écoutiez en fille soumise et affectueuse. Vous pouvez vous assurer l’un des deux jeunes Wychecombe et l’un ou l’autre serait un bon parti pour la fille d’un pauvre master disgracié.

— Mon père ! je voudrais pouvoir passer à travers le plancher pour ne pas entendre de pareils discours.

— Non, ma chère, non, vous resterez ferme sur vos jambes, à moins que vous ne fassiez un mauvais choix en vous mariant. M. Thomas Wychecombe est héritier du baronnet, il possédera après lui son titre et son domaine ; c’est donc le meilleur choix que vous puissiez faire, et vous devriez lui donner la préférence.

— Dutton, comme père, comme chrétien, pouvez-vous donner des conseils si honteux à votre propre fille ! s’écria la malheureuse mère, choquée au-delà de toute expression du manque de principes et de sentiments de son mari.

— Oui, mistress Marthe Dutton, je le puis, et je crois que cet avis est tout autre chose que honteux. Désirez-vous que votre fille soit la femme de quelque misérable chef d’un poste de signaux de côte, quand, avec un peu d’adresse et de prudence, elle peut devenir lady Wichecombe, et être maîtresse de cette maison et d’un noble domaine ?

— Mon père ! mon père ! s’écria Mildred, mourant de honte en songeant que le contre-amiral entendait cette conversation, vous vous oubliez, et vous ne songez guère à ce que je puis désirer. Il n’y a pas de probabilité que M. Thomas Wychecombe pense jamais à me choisir pour femme, ni même que qui que ce soit ait une pareille idée.

— Cela dépendra de la manière dont vous vous y prendrez, Milly. Il est très-possible que M. Thomas Wychecombe ne pense pas encore précisément en ce moment à vous prendre pour femme ; mais on prend les plus grosses baleines avec de petites cordes, quand on sait les manier comme il faut. Quant au jeune lieutenant, il serait prêt à vous épouser demain, quoique vous ne puissiez faire une plus grande