Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/127

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croyait avoir fait une impression favorable sur le vice-amiral, et qui désirait se le rendre propice lors de l’événement qu’il attendait à chaque instant, la mort de son oncle. — Oui, il a un bon millier de livres sterling de revenu annuel dans les cinq pour cent, ce qui est le fruit de ses économies pendant une longue vie. Son testament contient probablement quelque legs en faveur de mes jeunes frères, et peut-être aussi de ce jeune homme qui porte son nom, car il n’existe pas un meilleur cœur dans le monde. Dans le fait, mon oncle a déposé ce testament entre mes mains, probablement parce que je suis son héritier légal ; mais je ne me suis pas permis de le lire.

C’était un nouveau mensonge, et Tom savait fort bien que son oncle lui avait laissé jusqu’au dernier schelling de sa fortune mobilière et immobilière ; mais sa finesse excessive ne fit qu’éveiller les soupçons qu’il voulait prévenir. Il parut fort invraisemblable à sir Gervais qu’un homme tel que le neveu eût eu si longtemps entre les mains le testament de son oncle, sans désirer d’en connaître le contenu. Le langage de Tom était un aveu indirect qu’il aurait pu le lire s’il l’avait voulu, et le vice-amiral se sentait très-disposé à soupçonner que ce qu’il aurait pu faire, il l’avait fait. La conversation en resta pourtant là, car en ce moment Dutton entra dans la chambre pour s’acquitter de la mission dont l’amiral Bluewater l’avait chargé. Dès qu’il parut, Tom alla le joindre et sir Gervais prenait trop d’intérêt à la situation de son hôte, et avait à songer à trop de choses relative à son commandement, pour penser longtemps à ce qui venait de se passer entre lui et Tom Wychecombe. S’ils s’étaient séparés en ce moment, le vice-amiral aurait eu bientôt oublié tout ce qui avait été dit, et les impressions défavorables qui en avaient été le résultat ; mais plusieurs circonstances concoururent à lui rappeler cet entretien, et l’on verra dans le cours de cette histoire quelles en furent les suites.

Dutton montra une sorte d’émotion en regardant les traits pâles de sir Wycherly ; et il ne fut pas fâché quand Tom le prit à part, et se mit à lui parler d’un ton de confidence de l’avenir et de la mort probablement prochaine de son oncle. Si quelqu’un doué du pouvoir de lire dans les pensées des hommes et de pénétrer leurs motifs eût entendu cet entretien, il aurait été saisi du plus profond dégoût en voyant l’astuce et la cupidité de ces deux esprits de ténèbres. À l’extérieur ils étaient amis, et ils déploraient ensemble la perte qu’ils allaient probablement faire ; mais intérieurement, Dutton faisait tous ses efforts pour gagner la confiance de son compagnon, de manière à se frayer un chemin pour arriver au grade élevé et inespéré de beau-