Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/15

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Mais, non, Tom et ses frères sont tous filii nullorum ; j’en demande pardon à Dieu.

— Je suis surpris que ni Charles ni Grégoire n’aient songé à ce marier avant de perdre la vie pour leur roi et leur pays, dit le baronnet d’un ton de reproche, comme s’il eût pensé que ses frères sans fortune s’étaient rendus coupables envers lui en négligeant de lui fournir un héritier, quoiqu’il eût lui-même oublié de prendre ce soin. — Quand j’étais membre du parlement, j’avais eu envie de proposer un bill pour fournir des héritiers aux célibataires, afin de leur éviter la peine de faire un testament et la responsabilité qui en résulte.

— C’eût été une grande amélioration à la loi sur les successions mais j’espère que vous n’auriez pas oublié les ascendants ?

— Non certainement ; chacun aurait conservé ses droits. — On m’a dit que le pauvre Charles n’a pas prononcé un seul mot après avoir reçu le coup de feu qui lui a ôté la vie ; mais j’ose dire que, si nous savions la vérité, nous saurions qu’il a sincèrement regretté de ne pas s’être marié.

— Pour cette fois, Wycherly, je crois que vous vous trompez. Ce n’est pas une grande consolation, en mourant, de songer qu’on laisse une femme qui va manquer de pain.

— Malgré tout cela, je voudrais qu’il se fût marié. Quand il aurait laissé une douzaine de veuves, qu’est-ce que cela m’aurait fait ?

— Cela aurait pu donner lieu à quelques questions embarrassantes sur le douaire ; et si chacune d’elles avait laissé un fils, le titre et le domaine se seraient trouvés dans une situation pire que celle où ils sont aujourd’hui, sans veuves et sans enfants légitimes.

— Tout vaudrait mieux que de se trouver sans héritier. — Je crois que je suis le premier baronnet de Wychecombe qui se soit trouvé dans la nécessité de faire un testament.

— Rien n’est plus probable, répondit le juge d’un ton sec. Je me rappelle fort bien que le dernier baronnet ne m’a rien laissé de cette manière. Jacques, Charles et Grégoire n’ont pas été mieux traités. Mais n’importe, Wycherly, vous vous êtes conduit envers nous tous comme un père.

— Je ne regarde pas à signer des mandats sur mon banquier, pas le moins du monde ; mais faire un testament, c’est à mes yeux un acte irréligieux. — Il y a beaucoup de Wychecombe en Angleterre je voudrais savoir s’il n’y en a pas quelqu’un de notre famille. On dit qu’un cousin au centième degré est un aussi bon héritier qu’un fils aîné.