Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/183

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

commun par une autre femme, je ne pourrais hériter de lui, quand même ce père aurait gagné toute sa fortune par son travail ou ses services.

— C’est une doctrine damnable, Monsieur, — oui, damnable ; et vous m’excuserez si j’ai peine à me persuader qu’un principe aussi monstrueux soit consacré par les bonnes et anciennes lois de la vieille Angleterre.

Sir Reginald était du petit nombre des hommes de loi de ce temps qui n’approuvaient pas cette disposition particulière de la loi commune, ce qui venait probablement de ce qu’il avait alors si peu d’intérêt aux mystères de son ancienne profession, et qu’il en avait un si grand à la destination future du domaine de Wychecombe-Hall, dont cette loi le privait. Il ne fut donc ni blessé ni surpris de la manière brusque dont le franc marin repoussa son explication comme étant contraire à la justice, à la raison et à la vraisemblance.

— Il n’est que trop vrai pourtant, sir Gervais, répondit-il, que les bonnes et anciennes lois de la vieille Angleterre consacrent bien des injustices, notamment celle dont nous parlons en ce moment. Beaucoup dépend de la manière dont on envisage les choses ; ce qui paraît de l’or aux yeux de l’un n’est que du cuivre à ceux d’un autre. J’ose dire, ajouta-t-il avec un sourire que le vice-amiral pouvait, ad libitum prendre pour ironique ou confidentiel, que les clans d’Écosse nous diraient que l’Angleterre tolère un usurpateur sur le trône, tandis que son roi légitime est en exil, quoique vous et moi nous puissions ne pas être disposés à en convenir.

Sir Gervais tressaillit et jeta un coup d’œil de soupçon sur celui qui lui tenait ce langage ; mais sir Reginald le soutint d’un air aussi franc et aussi ouvert qu’on en vit jamais sur la physionomie d’un jeune homme de seize ans qui a toute la confiance de cet âge.

— Ce dernier cas n’est pas analogue à celui qui nous occupe, répondit le vice-amiral, ne conservant aucun soupçon en voyant l’air dé franchise insouciante de son compagnon ; car c’est le sentiment qui rend les hommes fidèles à leur roi, au lieu qu’on suppose que la loi doit toujours être appuyée sur la raison et la justice. Mais pendant que nous en sommes sur ce sujet, pourriez-vous m’expliquer aussi ce qu’on entend par un nullus ?

— Tout ce que je pourrais vous en dire, sir Gervais, se trouve dans les dictionnaires latins-anglais, répondit sir Reginald avec un sourire qui pour cette fois n’avait rien que de très-naturel.

— Vous voulez dire nullus, nulla, nullum. Nous-mêmes marins nous savons cela, car nous allons à l’école avant d’aller en mer. Mais