Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/202

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— À ce que j’ai pu voir, Monsieur, tous ceux qui se trouvent dans cette chambre, — sinon de la langue, du moins des yeux.

— Et pourquoi tous ceux qui se trouvent dans cette chambre auraient-ils agi ainsi ? Suis-je un légataire ? L’amiral Bluewater gagne-t-il quelque chose à ce testament ? Peut-on être témoin d’un testament et légataire en même temps ?

— Je n’ai pas dessein de discuter cette affaire avec vous, sir Gervais Oakes ; mais je proteste solennellement contre cette manière irrégulière et très extraordinaire de faire un testament. Que tous ceux qui m’entendent s’en souviennent, et qu’ils se tiennent prêts à faire leur déposition quand ils seront mandés devant une cour de justice.

Sir Wycherly fit des efforts pour se soulever ; il était vivement agité, et ses gestes annonçaient son mécontentement, et son désir que Tom se retirât. Les médecins cherchèrent à le calmer, tandis qu’Atwood, debout devant le lit, avec le plus grand sang-froid, le testament placé sur un portefeuille, et une plume à la main, cherchait à obtenir les signatures nécessaires. La main du vieillard tremblait si violemment quand il prit la plume, qu’il était évidemment impossible qu’il formât une seule lettre, et on lui fit prendre une potion calmante.

— Retirez-vous ! loin de mes yeux ! murmura le baronnet toujours agité. Et tous ceux qui l’entendaient ne purent douter que l’idée qui l’occupait exclusivement ne fût le désir d’être délivré de la présence de son neveu. — Sir Reginald, ajouta-t-il, — petite Milly, — sir Gervais, — tous les autres, — restez !

— Calmez votre esprit, sir Wycherly, dit Magrath, et votre corps s’en trouvera bien. Quand l’esprit est dans un état d’exaltation, le système nerveux en sent l’influence. En rétablissant l’harmonie entre les deux, vos dispositions testamentaires n’en seront pas moins valides en réalité et en apparence.

Sir Wycherly comprit ce que lui disait le chirurgien, et fit tous ses efforts pour reprendre de l’empire sur lui-même. Il leva la plume et parvint à en placer le bout sur le papier à l’endroit convenable ; son œil brilla, il lança sur Tom un regard courroucé et regarda son testament comme pour le signer. Mais tout à coup il porta une main à son front, ses yeux se fermèrent, et sa tête retomba sur son oreiller. Il était devenu insensible aux sentiments, aux devoirs, aux intérêts de ce monde et à tout ce qui y avait rapport. Dix minutes après, il avait cessé de respirer.

Ainsi mourut sir Wycherly Wychecombe, après une longue vie