Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/222

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Mon idée est qu’en lançant sur tribord avec ce courant de jusant, nous présenterons tous le cap au large, et nous le gagnerons aussi aisément qu’une jeune villageoise fait une pirouette dans une gigue. Ce que nous ferons de l’escadre quand nous serons une fois au large, c’est ce qu’on verra par nos mouvements ultra.

Par ultra, Galleygo voulait dire, — ultérieurs, — mot qu’il avait appris en entendant lire des dépêches qu’il ne comprenait pas mieux que ceux qui les avaient écrites dans les bureaux de l’amirauté.

— Je vous remercie tous, mes amis, dit sir Gervais, tellement animé par la perspective d’un engagement général, qu’il s’amusait à plaisanter ainsi, comme s’il n’eût été qu’un jeune midshipman ; mais à présent parlons sérieusement d’affaires. — Monsieur Bunting, faites faire le signal de se préparer à appareiller ; que chaque bâtiment tire un coup de canon pour rappeler ses embarcations ; une demi-heure après, qu’on fasse le signal de désaffourcher, et qu’on m’envoie ma barge aussitôt que vous commencerez à virer au cabestan. À présent, mon jeune brave, retournez à bord, et déployez toute votre activité.

— Monsieur Bunting, en passant près du César, rendez-moi le service de dire qu’on m’envoie aussi mon canot, dit Bluewater se levant à demi pour parler à l’officier qui se retirait. Si nous devons mettre à la voile, je suppose qu’il faudra que j’aille avec les autres. Comme de raison, nous répéterons tous vos signaux.

Sir Gervais attendit que M. Bunting fût parti, et se tournant ensuite vers son maître-d’hôtel, il lui dit d’un ton assez sec :

— Monsieur Galleygo, vous avez la permission de retourner à bord, et d’emporter votre sac et vos quilles.

— Oui, sir Gervais, je vous comprends nous allons gagner le large ; et tous les hommes braves doivent être à leur poste. — Au revoir, amiral Bleu. Nous nous retrouverons en face des Français, et j’espère qu’alors chacun se donnera à soi-même l’exemple du courage et du dévouement.

— Le drôle devient chaque jour de pire en pire, et je serai obligé de le renvoyer comme matelot sur le gaillard d’avant pour réprimer son impertinence, dit sir Gervais, moitié mécontent, moitié riant. Je suis surpris que vous supportiez comme vous le faites son ton de familiarité, avec son — amiral Bleu.

— Je m’en offenserai dès que je verrai sir Gervais réellement mécontent de lui. Cet homme a de la bravoure, de l’honnêteté et de l’attachement pour vous, et ce sont des qualités qui doivent faire pardonner cent défauts.