Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/242

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droit où nous pourrions espérer de trouver les autres demain matin. Il y a peu de danger que des bâtiments se perdent longtemps de vue dans une mer si étroite, et je ne crains guère que les Français soient assez avancés vers l’ouest pour qu’ils puissent rencontrer nos premiers vaisseaux avant le jour. Mais si cela arrivait…

— Oui, si cela arrivait, je sais bien ce qu’il en résulterait.

— Eh bien, en supposant que M. de Vervillin rencontre sir Gervais au point du jour, quelles paraissent devoir en être les suites, aux yeux de votre expérience ?

— Sir Gervais s’élancerait sur lui comme un dauphin sur un poisson volant, et s’il lui arrivait de prendre un ou deux de ses bâtiments, il ne serait plus possible aux Césars de voguer de conserve avec les Plantagenets. Lors de la dernière affaire avec M. de Gravelin, ils étaient aussi orgueilleux que des paons, parce que nous n’avions attaqué que lorsqu’ils avaient déjà perdu leurs vergues de misaine et leur mât de perruche, quoique le changement de brise nous eut portés positivement sous le vent ; et, après tout, onze hommes sur notre bord furent ceux qui reçurent les blessures les plus dangereuses sur toute l’escadre. Vous ne connaissez pas ces Plantagenets, amiral ; ils n’osent pas ouvrir la bouche devant vous.

— Ni mal parler de mes jeunes Césars, j’en réponds. Cependant vous devez vous rappeler que sir Gervais nous rendit pleine justice dans sa dernière dépêche.

— Oh ! sans contredit, amiral ; sir Gervais sait trop bien comment il doit se conduire. D’ailleurs, il sait ce qu’est le César ; ce qu’il peut faire et ce qu’il a déjà fait. Mais il n’en est pas de même de ses jeunes gens : ils s’imaginent que, parce qu’ils portent un pavillon rouge à leur mât de misaine, chacun d’eux est un Blake ou un Howard. Il y a Jack Oldcastle, par exemple ; il est toujours à parler de nos midshipmen comme s’il n’y avait pas une goutte de sang marin dans leurs veines, et cela parce que son père a été capitaine, — commodore, comme il dit, attendu qu’il lui est arrivé d’avoir une fois le commandement de trois frégates.

— Eh bien, il était véritablement commodore dans cette occasion. — Mais sûrement il ne réclame pas la préséance pour le sang des Oldcastle sur celui des Cleveland ?

— Oh ! non, ce n’est pas cela du tout, répondit le jeune homme, rougissant un peu en dépit de son mépris pour une telle marque de faiblesse féminine. — Vous savez que nous ne parlons jamais de pareilles fadaises dans notre escadre. Il n’est jamais question pour nous que du service. Jack Oldcastle dit que tous les Cleveland ont servi