nier sur le mât. L’ordre était à peine transmis à l’officier de quart, que le bâtiment fut mis en panne et sa marche arrêtée. Au même instant le signal au Druide fut hissé. Cette cessation subite du mouvement du César fit que le Dublin, son matelot de l’arrière[1] fut obligé de laisser porter avec rapidité, pour éviter un abordage qui aurait facilement pu avoir lieu pendant une nuit si obscure. On le héla, et on lui donna ordre de mettre aussi en panne dès qu’il serait assez éteigne du César. L’Élisabeth, qui le suivait, passa à vingt brasses tout au plus du César, et reçut le même ordre. Le Druide était alors par la hanche du vent du vaisseau amiral il laissa porter pour arrondir la poupe du César, et il mit en panne sous le vent près de son bossoir. Pendant toutes ces manœuvres, on avait mis à la mer, à bord de l’amiral, un canot qui à chaque instant paraissait devoir s’engloutir. Wycherly déclara alors qu’il était prêt à partir.
— N’oubliez rien de ce que je vous ai dit, Monsieur, dit Bluewater, et informez le commandant en chef de tout mon message. Il peut être important que nous nous entendions l’un l’autre complétement. Vous lui remettrez aussi cette lettre, que je viens d’écrire à la hâte tandis qu’on préparait l’embarcation.
— Je crois que je comprends vos désirs, amiral, — du moins je l’espère. — Je tâcherai de les exécuter.
— Dieu bénisse vos efforts, sir Wycherly ! dit Bluewater avec émotion. Nous ne nous reverrons peut-être jamais ; car la vie est incertaine, et l’on peut dire que nous autres marins, nous portons la nôtre dans nos mains.
Wycherly prit congé du contre-amiral, et descendit l’échelle de la dunette pour passer à bord du canot. Il s’arrêta pourtant deux fois sur le gaillard d’arrière, avec l’air d’un homme qui a envie de retourner sur ses pas pour demander quelque explication ; mais chaque fois, après une courte pause, il se remit en marche.
Notre jeune marin eut besoin de toute son agilité pour passer sur l’embarcation sans accident. Dès qu’il s’y trouva, l’esquif partit rapidement, arriva en quelques minutes sous le vent de la frégate, et Wycherly monta à bord. Il n’avait pas été plus de trois minutes sur le pont du Druide, que les vergues furent brassées et le vent mis dans les voiles. La frégate fila d’abord doucement en tête, mais cinq minutes après elle établit sa grande voile, les ris pris. L’effet en fut si instantané, que la frégate parut voler en s’éloignant du César, et en un quart d’heure, avec deux ris pris dans ses huniers, et sous ses
- ↑ On appelle matelot de l’arrière, en ligne, le bâtiment qui en suit un autre, et matelot de l’avant, celui qui précède.