Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/274

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basses voiles, elle en était à un mille de distance au vent. Ceux qui suivaient des yeux ses mouvements sans les comprendre remarquèrent qu’elle amena son fanal, et qu’elle parut se séparer du reste de la division.

Il se passa quelque temps avant que l’embarcation du César, qui avait à lutter contre le vent et la marée, pût regagner ce vaisseau. Quand elle eut accompli cette tâche difficile, on fit servir, et, dépassant le Dublin et l’Élisabeth, il reprit sa place dans la ligne.

Après avoir envoyé se coucher le lieutenant des signaux et les deux aides-timonniers, Bluewater continua à se promener sur la dunette pendant une heure. Stowel s’était couché, et M. Bury lui-même n’avait pas jugé nécessaire de rester plus longtemps sur le pont. Au bout d’une heure le contre-amiral pensa aussi à se retirer. Cependant, avant de quitter la dunette, il s’avança près de l’échelle de la dunette au vent, et se tenant aux haubans d’artimon il regarda la scène qui l’entourait.

Le vent et la mer avaient augmenté de force, mais ce n’était pas encore un ouragan. L’York avait depuis longtemps repris sa place à une encâblure en avant du César, et faisait route sous la même voilure que le vaisseau amiral. Le Douvres reprit en ce moment la sienne, suivant l’ordre général qui en avait été donné, c’est-à-dire à la même distance en avant de l’York ; on le voyait encore, mais moins distinctement. Le sloop et le cutter faisaient une route parallèle sous le vent des vaisseaux de ligne, à un quart de mille de distance, chaque bâtiment conservant bien son poste, en faisant grande attention à sa voilure. Plus loin, on ne voyait rien. La mer offrait aux yeux ce singulier mélange de brillant et d’obscurité qu’on remarque sur ses eaux quand elles sont agitées pendant une nuit sombre, et que le ciel est couvert et menaçant.

À bord du César tout était tranquille. Un fanal répandait çà et là autour de lui une lumière vacillante ; mais l’ombre des mâts, des canons et d’autres objets faisait que la nuit n’en paraissait guère moins sombre. Le lieutenant de quart se promenait au vent sur le gaillard d’arrière en silence, mais l’œil attentif à tout. De temps en temps il hélait les vigies pour les avertir de bien veiller, et à chaque tour du gaillard il levait les yeux en haut pour s’assurer que les voiles étaient bien orientées. Quatre ou cinq marins se promenaient aussi sur le gaillard d’avant et sur les passavants. Mais la plupart des hommes de quart étaient étendus entre les canons, aux meilleures places qu’ils avaient pu trouver, et cherchaient à ne dormir que d’un œil. C’était une indulgence qu’on n’avait pas pour les midshipmen.