Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/285

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plaisanteries d’un commandant en chef sont ordinairement bien accueillies. Le sentiment momentané d’indignation qui avait porté le vice-amiral à exprimer ainsi son mécontentement des innovations modernes, céda au plaisir du succès qu’il avait obtenu ; il invita le capitaine à souper, — ce qui devait tenir lieu du dîner, — et l’emmena dans sa chambre de fort bonne humeur, Galleygo venant de l’avertir que le souper était servi.

La compagnie ne consistait qu’en trois personnes, le vice-amiral, Greenly et Atwood. Le repas était plus substantiel que scientifique, mais il était richement servi, car on ne voyait jamais que de la vaisselle plate sur la table de sir Gervais. Cinq domestiques, sans compter Galleygo, étaient occupés à servir les trois convives. Un grand vaisseau comme le Plantagenet n’éprouvant guère ni roulis ni tangage, excepté pendant un coup de vent, la grande chambre de ce bâtiment, quand les lampes furent allumées, et que les trois convives furent à table, avait un certain air de magnificence navale, auquel contribuaient la richesse de l’ameublement, les pièces d’artillerie et d’autres instruments de guerre. Sir Gervais avait à son service personnel trois domestiques à livrée, tolérant en outre Galleygo et deux ou trois autres individus de la même classe ; comme pour rendre hommage à Neptune. La situation n’étant nouvelle pour aucun des convives, et le travail de la journée ayant été sévère, les vingt premières minutes furent consacrées au devoir de la — restauration, — comme le disent les grands maîtres en gastronomie ; ensuite le vin commença à circuler, quoique avec modération, et les langues se délièrent.

— À votre santé, capitaine Greenly, — à la vôtre, Atwood, dit le vice-amiral, faisant un signe de tête familier à ses deux convives, en se versant un verre de Xérès. Ces vins d’Espagne vont droit au cœur, et je suis surpris qu’un pays qui les produit ne produise pas de meilleurs marins.

— Du temps de Colomb, répondit Atwood, les Espagnols pouvaient se vanter de quelque chose dans ce genre.

— Oui, mais ce temps est bien loin de nous, et il n’est pas revenu. — Je vais vous dire, Greenly, comment j’explique l’état défectueux dans lequel se trouve la marine en France et en Espagne. Colomb et la découverte de l’Amérique mirent à la mode les bâtiments et les marins. Mais un bâtiment, sans un officier en état de le commander, est comme un corps sans âme. La mode cependant fit entrer les jeunes nobles dans le service de la marine, et l’on donna le commandement des bâtiments à ces jeunes gens, uniquement parce que