Dès que le Druide s’était approché du vaisseau amiral, on avait vu le capitaine Blewet placé dans les haubans de sa misaine au vent, dirigeant lui-même la manœuvre soit d’un geste, soit de vive voix. Dès qu’il vit Wycherly sur la dunette du Plantagenet, et son corps souple et alerte dégagé de la bouline qui lui avait servi de siège, le capitaine fit un grand mouvement de bras pour indiquer son intention de s’éloigner du vaisseau. La barre fut mise tout au vent, et tandis que le vaisseau filait en tête, en plongeant dans le creux des lames, l’avant de la frégate tomba sous le vent, laissant un espace de cent pieds et plus entre les deux bâtiments presque en un instant. Les mêmes causes continuant à opérer, le Plantagenet s’éloigna encore davantage en avant, tandis que la frégate revint bientôt au vent, à une encâblure de distance sous le vent, et par le travers de l’espace qui séparait l’amiral de son matelot d’arrière. Là, le capitaine Blewet parut se disposer à attendre des ordres ultérieurs.
Sir Gervais Oakes n’était pas habitué à laisser apercevoir la surprise que pouvaient lui occasionner les petits incidents qui arrivaient dans le service. Il rendit d’un air froid le salut de Wycherly, et sans lui faire une question, sans qu’un muscle jouât sur sa physionomie, il ne songea plus qu’à suivre des yeux tous les mouvements de la frégate. Voyant que tout allait bien à bord du Druide, il ordonna à Wycherly de le suivre, et descendit le premier, le laissant marcher après lui aussi vite que le permirent les questions nombreuses auxquelles il eut à répondre en descendant. Atwood, qui observait avec intérêt tout ce qui se passait, remarqua que, de tous ceux qui étaient présents à cette scène, le capitaine Greenly était le seul qui parût indifférent à la nature du message dont l’étranger pouvait être chargé, quoiqu’il fût peut-être le seul à qui son rang pût donner le droit de faire une question sur ce sujet.
— Vous êtes arrivé sur notre bord d’une manière nouvelle et extraordinaire, sir Wycherly, dit le vice-amiral d’un ton un peu sévère, dès qu’il fut seul avec le jeune lieutenant dans sa chambre.
— C’est un plan dont le capitaine Blewet est l’auteur, sir Gervais ; et réellement c’était le seul qui parût pouvoir réussir, car il aurait été difficile à une embarcation de résister à une mer si houleuse. J’espère que sa réussite, et la nature du message dont je suis chargé, pourront servir d’excuse à cette infraction au cérémonial d’usage.
— Je crois que c’est la première fois depuis le temps du Conquérant, que le vaisseau d’un vice-amiral anglais a été abordé si cavalièrement ; mais, comme vous le dites, les circonstances peuvent justifier cette innovation. — Quel est votre message ?