Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/337

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Wycherly le salua et se retira. Sir Gervais s’assit un instant et écrivit quelques lignes à Greenly, pour le prier de chercher une chambre commode pour le jeune lieutenant. Il monta ensuite sur la dunette. Quoiqu’il s’efforçât d’écarter les doutes pénibles qui le tourmentaient, et de paraître aussi content que doit l’être un officier qui vient de cueillir de nouveaux lauriers, il trouva difficile de cacher complétement le choc que la lettre de Bluewater lui avait fait éprouver. Certain comme il croyait l’être de porter un coup décisif à l’ennemi si les cinq vaisseaux de la seconde division venaient le renforcer, il aurait volontiers renoncé au triomphe que ce nouveau succès serait pour lui pour être sûr que son ami ne porterait pas les choses jusqu’à se mettre en rébellion ouverte contre le gouvernement établi. Il lui était difficile de croire qu’un homme tel que Bluewater pût réellement méditer d’emmener avec lui les bâtiments qu’il commandait. Cependant il connaissait l’ascendant du contre-amiral sur ses capitaines, et il y avait des moments où la possibilité qu’il prît ce parti se présentait à son esprit très-péniblement. — Et quand un homme peut se persuader toutes les absurdités du jus divinum, pensait sir Gervais, il n’a pas besoin de faire une grande violence au sens commun pour en admettre toutes les conséquences. — Le souvenir du caractère droit et intègre de Bluewater venait ensuite le rassurer et lui-donner des espérances plus encourageantes. Se sentant vaciller ainsi entre l’espoir et la crainte, il résolut d’écarter pour le moment cette affaire de son esprit, en donnant toute son attention à la partie de l’escadre qu’il avait avec lui. À l’instant où il venait de prendre cette sage détermination, Greenly et Wycherly parurent sur la dunette.

— Je suis charmé de vous voir un air d’appétit, Greenly, dit le vice-amiral d’un ton enjoué. — Galleygo vient de me faire un rapport important : mon déjeuner est prêt. Comme je sais que votre chambre n’a pas encore été mise en ordre depuis le combat, j’espère que vous me ferez le plaisir d’en prendre votre part. Sir Wycherly, mon brave jeune Virginien que voici, prendra la troisième chaise, et la compagnie sera complète.

L’invitation ayant été acceptée, il passa devant eux, comme pour leur montrer le chemin ; mais, en descendant l’échelle de poupe, il s’arrêta tout à coup.

— Wychecombe, dit-il, ne m’avez-vous pas dit que le mât de misaine du Druide a été craqué ?

— Oui, sir Gervais, et dangereusement, je crois ; le capitaine Blewet a fait force de voiles toute la nuit.