Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/350

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Sir Gervais, je ne puis vous exprimer… Que Dieu vous protège, sir Gervais !

— Je n’ai qu’une faute à vous reprocher, Monsieur, et elle est facile à pardonner.

— Je l’espère, amiral.

— C’est que vous avez fait toutes vos manœuvres avec tant de justesse et de rapidité, que nous avons à peine eu le temps de nous retirer de la ligne de votre feu.

Le vieux Parker n’aurait pu répondre, quand il se fût agi de sa vie, tant il était ému ; mais il salua et passa une main sur ses yeux. Il n’aurait pas eu le temps de parler, car sir Gervais reprit la parole sur-le-champ.

— Si l’épée de Sa Majesté ne touche pas votre épaule pour vous récompenser des services que vous avez rendus aujourd’hui, capitaine, ce ne sera pas ma faute. En achevant ces mots, il agita son chapeau en l’air, en signe d’adieu.

Pendant ce court dialogue, le silence avait été si profond à bord des deux vaisseaux, que le bruit de l’eau qui passait sous les bossoirs du Carnatique était le seul son qui se mêlât à la voix du vice-amiral. Mais dès qu’il eut cessé de parler, les deux équipages poussèrent trois acclamations bruyantes. Les officiers eux-mêmes s’y joignirent ; et pour que rien ne manquât au compliment, le commandant en chef ordonna lui-même à ses soldats de marine de présenter les armes au bâtiment qui passait. Ce fut alors que le Carnatique, toutes ses voiles portant bien, s’élança tout à coup en avant, presque de toute sa longueur, sur le sommet d’une lame. En une demi-minute il se trouva par le travers du boute-hors du clinfoc du Plantagenet, gouvernant de manière à ne pas jeter l’amiral sous le vent.

Le Carnatique était à peine passé, que l’Achille était prêt à prendre sa place. Ce vaisseau étant plus éloigné, et par conséquent ayant plus d’espace, s’était aisément élevé au vent du Plantagenet, larguant simplement toutes ses boulines dès que ses bossoirs se trouvèrent par le travers de la poupe de l’amiral, afin d’amortir son aire.

— Comment vous portez-vous aujourd’hui, sir Gervais ? s’écria lord Morganic, sans laisser au vice-amiral le temps de le héler ; permettez-moi de vous féliciter des exploits de cette journée glorieuse.

— Je vous remercie, Milord, et je désire vous dire que je suis satisfait de la manière dont votre vaisseau s’est comporté. Au surplus, vous vous êtes tous bien comportés, et je vous dois des remerciements à tous. L’Achille a-t-il souffert quelques avaries ?