Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/374

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déjeunent le plus tôt possible. Que le vent ne change pas ! Greenly, qu’il ne change pas ! c’est tout ce qu’il nous faut.

Cinq minutes après, tandis que sir Gervais jetait les yeux sur le livre des signaux, les sifflets à bord du Plantagenet appelèrent l’équipage pour déjeuner, une heure au moins plus tôt que de coutume. Chacun s’y rendit avec une sorte de joie sombre, comprenant le motif d’un appel si peu ordinaire. On entendit bientôt après le même appel à bord des vaisseaux qui étaient en arrière, et un officier chargé de surveiller l’ennemi à l’aide d’une longue-vue, dit qu’il croyait que les Français déjeunaient aussi. L’ordre ayant été donné aux officiers d’employer de la même manière la demi-heure suivante, presque tout le monde se trouva bientôt occupé à prendre son repas du matin, et très-peu réfléchirent que ce repas pouvait être pour eux le dernier. Cependant sir Gervais éprouvait une inquiétude qu’il réussit à cacher, et qui était causée par la circonstance que les vaisseaux au vent n’augmentaient pas de voilure. Il s’abstint pourtant de faire aucun signal au contre-amiral à ce sujet, tant par égard pour son ami que par une vague appréhension de ce qui pourrait en être la suite. Tandis que l’équipage était à déjeuner, il regardait d’un air pensif le noble spectacle que l’ennemi présentait sous le vent, jetant de temps en temps un regard attentif sur la division qui se rangeait constamment plus au vent. Enfin Greenly vint lui-même faire rapport que l’équipage était retourné à son poste de combat. À cette annonce, sir Gervais tressaillit comme s’il fût sorti d’une rêverie, et sourit avant de parler. Nous ferons remarquer ici que, de même que la veille, on ne voyait plus en lui aucun symptôme d’agitation, et que son ton était naturellement doux et tranquille ; ce qui était pour tous ceux qui le connaissaient le signe d’une détermination bien prise d’en venir à un engagement.

— J’ai prié Galleygo, il y a une demi-heure, dit-il, de mettre ma petite table dans ma seconde chambre, Greenly, et vous partagerez mon déjeuner. Sir Wycherly en fera autant, et j’espère que ce ne sera pas la dernière fois que nous nous assiérons tous trois à la même table. Il est nécessaire aujourd’hui que tout soit en ordre de combat.

— C’est ce que je comprends, sir Gervais. Nous sommes prêts à commencer dès que vous nous en donnerez l’ordre.

— Attendons que Bunting revienne de son déjeuner. Ah ! le voici. Il trouvera tout prêt, car j’ai préparé le signal en son absence. — Hissez-le sur-le-champ, Bunting, car le jour avance.

En moins d’une minute, on voyait flotter le signal à la tête du grand mât du Plantagenet, et dans l’espace d’une autre, le signal fut