Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/384

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a peu de chose à faire au milieu d’un tel nuage de fumée. Je donnerais tout au monde pour connaître la position exacte des divisions des deux contre-amiraux.

— Il n’y a qu’un moyen de s’en assurer, sir Gervais, et si vous le désirez, je l’essaierai. En montant sur la vergue du grand hunier, il est possible qu’on les aperçoive.

Le vice-amiral accepta cette offre en souriant, et vit le jeune officier monter dans le gréement, quoiqu’à demi caché par la fumée. En ce moment Greenly monta sur la dunette, après avoir fait l’inspection de la batterie basse. Il n’attendit pas une question pour faire son rapport.

— Tout va assez bien jusqu’ici, sir Gervais, quoique la première bordée du comte nous ait maltraités. Je crois que son feu se ralentit, et Bury dit qu’il est certain qu’il a déjà perdu son petit mât de hune. Dans tous les cas, nos hommes sont en bonne disposition, et tous nos mâts sont encore debout.

— J’en suis charmé, Greenly, et surtout de la dernière circonstance, dans le moment présent. Je vois que vous regardez ces pavillons de signaux, ils couvrent le corps du pauvre Bunting.

— Et cette traînée de sang jusqu’à l’échelle de poupe ? J’espère que notre jeune baronnet n’est pas blessé ?

— C’est un de mes Bowlderos qui a perdu une jambe. Je pourvoirai à ce qu’il ne manque de rien pendant le reste de sa vie.

Il y eut une pause dans la conversation, et ils se mirent à sourire en entendant le craquement occasionné par un boulet de canon précisément sous leurs pieds ; car à la nature et à la direction du son, ils comprirent qu’il avait traversé un buffet contenant les ustensiles de porcelaine et de faïence du capitaine Greenly. Après quelques minutes de silence, sir Gervais dit qu’il croyait que les éclairs qui précédaient les coups de canon tirés par les Français partaient de plus loin qu’ils ne l’avaient fait jusqu’alors, quoiqu’on ne pût découvrir l’ennemi, et qu’on ne s’aperçût de sa présence qu’au bruit de ses canons et à l’effet qu’ils produisaient.

— Si cela est, sir Gervais, c’est un signe que le comte commence à trouver sa position trop chaude. Voici le vent que nous avons encore en poupe, quelque peu qu’il y en ait.

— Non, non, nous gouvernons toujours au même aire de vent ; je ne quitte pas ce compas de vue, et je suis sûr que nous ne nous sommes pas dérangés de notre route. Allez sur l’avant et veillez à ce qu’on y ait l’œil au guet. Il est possible qu’un de nos vaisseaux ait de graves avaries, et il ne faut pas risquer de l’aborder. Si nous courions