Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/408

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les saluts qui furent échangés entre eux n’étaient pas une vaine et stérile politesse, ils étaient éloquents de sensibilité.

Bluewater était éveillé, et il tenait affectueusement la main de Mildred dans la sienne, quand son ami entra. Il la quitta pour serrer celle du vice-amiral, et le regarda avec une sorte d’attendrissement, comme s’il eut eu pitié du chagrin qu’il savait que devait éprouver l’ami qui allait lui survivre.

— Mon cher Bluewater, dit sir Gervais, qui, malgré sa fermeté naturelle au moral, semblait alors physiquement en proie à une agitation nerveuse, voici Greenly qui désire vous dire quelque chose dont nous pensons tous deux que vous devez être instruit dans un moment comme celui-ci.

Le contre-amiral regarda son ami fixement, comme pour l’engager à continuer.

— C’est relativement à votre frère Jack ; je suppose que vous n’avez jamais su qu’il a été marié, sans quoi je pense que je vous en aurais entendu parler.

— Marié ! répéta Bluewater parlant avec beaucoup d’intérêt et sans grande difficulté ; je crois que ce doit être une méprise. Il avait le cœur chaud et la tête inconsidérée, mais il n’y avait dans le monde entier qu’une seule femme qu’il aurait pu où voulu épouser. Il y a longtemps qu’elle est morte, mais elle n’était pas sa femme car son oncle qui était très-riche, mais dont le vouloir était indomptable, n’y aurait jamais consenti. Il survécut à sa nièce, mais mon pauvre frère mourut avant elle.

Il prononça ces mots d’une voix calme, car il parlait sans effort et sans souffrir.

— Vous l’entendez, Greenly, dit sir Gervais et pourtant il n’est pas vraisemblable que vous ayez fait une méprise.

— Je n’en ai certainement fait aucune, Messieurs ; j’ai été un des témoins du mariage du colonel Bluewater avec un autre officier qui est en ce moment dans cette escadre. C’est du capitaine Blakely que je veux parler. Je connais le prêtre qui a fait la cérémonie ; il vit encore, et c’est un bénéficier.

— Ce que vous me dites m’étonne. Mon frère était vivement épris d’Agnès Hedworth, mais sa pauvreté était un obstacle à leur union, et ils moururent tous deux si jeunes, qu’ils n’eurent pas le temps de vaincre l’opposition de l’oncle à ce mariage.

— Eh bien, amiral ; dit le capitaine Greenly, c’est pourtant Agnès Hedworth que votre frère a épousée.

Un bruit qui se fit entendre en ce moment dans la chambre inter-