Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/437

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Mildred, en vraie femme, trouva son bonheur avec son mari et ses enfants. Elle n’en eut que trois, un fils et deux filles ; celles-ci furent confiées de bonne heure aux soins de mistress Dutton. Cette excellente femme resta à Wychecombe avec son mari jusqu’à la mort de celui-ci, dont la fin de la carrière fut exempte de ces scènes de brutalité qui avaient rendu sa femme si malheureuse pendant une grande partie de sa vie. Il avait assez de bon sens pour sentir que c’était à elle qu’il devait l’aisance dont il jouissait alors grâce à ta libéralité de Wycherly ; et la crainte de la perdre était un frein qui retenait une grossièreté qui avait pris naissance dans l’habitude de l’ivresse. Il ne survécut pourtant que quatre ans au départ de Wycherly et de Mildred, et, après sa mort, sa veuve partit sur-le-champ pour aller les rejoindre en Amérique.

Ce serait substituer un tableau d’imagination à celui de la vérité, si nous disions que lady Wychecombe et mistress Dutton n’accordèrent jamais un regret au pays où elles avaient reçu le jour. On ne doit pas attendre même d’un Esquimau cette abnégation de sentiments, d’habitudes et de préjugés. Elles faisaient de temps en temps dès observations critiques sur le climat de la Virginie, à la grande surprise de Wycherly, qui regardait celui de l’Angleterre comme le pire de tout l’univers sur les fruits, les domestiques, les routes, et la difficulté de se procurer divers objets d’agrément auxquels elles étaient habituées. Mais comme elles faisaient ces remarques avec gaieté et d’un ton de plaisanterie, plutôt qu’avec aigreur et en ayant l’air de se plaindre, il n’en résultait jamais aucune scène désagréable. Comme ils faisaient tous trois de temps en temps un voyage en Angleterre, où le soin de son domaine et la nécessité de régler ses comptes avec son intendant, obligeaient Wycherly d’aller environ, une fois tous les cinq ans, les deux dames finirent par renoncer à leurs innocents sarcasmes sur le climat et les fruits de l’Amérique. Au bout de quelques années, elles en vinrent même à préférer le service négligé et insouciant, mais cordial, des nègres, au maniérisme formel des domestiques anglais, quelque entendus que fussent ceux-ci à remplir leurs fonctions. Il n’y a pas de plus grande méprise que de supposer qu’un voyageur qui traverse une seule fois un pays quelconque, la tête remplie du sien, et avec des idées probablement provinciales, soit en état de décrire avec jugement et impartialité même les usages dont il est témoin oculaire. Ces deux dames, avec le temps, découvrirent cette vérité, et en rendant plus justes leurs remarques critiques, cette découverte les rendit elles-mêmes plus tolérantes. Au total, on n’aurait pu trouver dans tout l’empire britan-