PRÉFACE.
armi tous les romans dont la scène est sur mer, qui ont été publiés
depuis vingt ans, nous n’en connaissons aucun dont les évolutions
des flottes aient été un des traits principaux. Le monde a sous
les yeux des scènes admirablement dessinées, dans lesquelles il trouve
le tableau des manœuvres d’un vaisseau solitaire, et des touches
exquises du caractère des marins ; mais tous les romanciers, semblent
s’être soigneusement abstenus de peindre sur un grand cadre la profession
de marin. Nous avons nous-même imité leur retenue, peut-être
par un certain sentiment intime d’incompétence, mais surtout
par suite du désir que nous avions, en décrivant des scènes navales,
de rester sous le pavillon auquel nous avons été accoutumé, et auquel,
à proprement parler, nous appartenons.
Nous blâmons ouvertement et à haute voix cet absurde patriotisme qui prend feu pour l’honneur des chats et des chiens ; qui s’imagine faire un acte de nationalité en élevant bien haut des objets d’un mérite inférieur, uniquement parce que le hasard veut qu’ils soient de notre pays ; qui affiche la doctrine extravagante, — et si nouvelle dans les annales de la littérature, qu’on n’y trouve une excuse que dans la pauvre explication d’un misérable provincialisme, que le vice, la folie, la vulgarité et l’ignorance, ne doivent pas être un objet de censure quand il s’agit d’un vice, d’une folie, d’une vulgarité et d’une ignorance qui ont pris naissance sur leur sol américain, tandis que ce serait la meilleure raison possible pour que toutes les plumes américaines en écrivissent la condamnation ; — doctrine diamétralement contraire à la libéralité de Domitien, qui toléra Juvénal lui-même tant qu’il se borna à diriger sa satire contre le public en général, mais qui le bannit de Rome quand elle attaqua les particuliers. L’idée que des ouvrages de fiction doivent être écrits en ayant toujours sous les yeux le pays où l’on a reçu le jour, est un autre préjugé de province qui ne pourrait avoir lieu dans une nation qui aurait un caractère bien établi, de grandes vues, et nous ne le respec-