Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/95

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ce ruban sans y avoir d’autres droits que ceux que m’a donnés la maison de Hanovre ? Suis-je, ou ne suis-je pas à vos yeux, un véritable vice-amiral de l’escadre rouge ?

— Je fais une grande distinction, Oakes, entre un grade dans la marine et une distinction purement personnelle. Dans le premier cas, vous servez votre pays, et vous donnez autant que vous recevez ; au lieu que dans le second, c’est une grâce accordée pour donner de la considération à la personne qui reçoit cet honneur, sans qu’il ait de son côté à donner un équivalent qui puisse lui servir d’apologie pour accepter un rang inégalement conféré.

— Au diable vos distinctions ! elles mettraient le désordre partout, et feraient du service de la marine une tour de Babel. Si je suis vice-amiral de l’escadre rouge, je suis chevalier de l’ordre du Bain ; et si vous êtes contre-amiral de l’escadre blanche, vous êtes aussi chevalier de cet ordre honorable. Tout cela découle de la même source d’autorité, de la même fontaine d’honneur.

— Je ne vois pas les choses de même. Nos commissions viennent de l’amirauté, qui représente le pays ; mais les dignités personnelles viennent du prince qui est en possession du trône n’importe à quel titre.

— Regardez-vous Richard III comme un usurpateur, ou comme un prince légitime ?

— Comme un usurpateur, sans aucun doute, et en outre comme un meurtrier. Son nom devrait être biffé de la liste des rois d’Angleterre. Je n’entends jamais prononcer son nom sans l’exécrer lui et ses forfaits.

— Bon, bon, Dick, c’est voir les choses en poëte plutôt qu’en marin. Si l’on biffait seulement les noms de la moitié des souverains qui méritent d’être exécrés, la liste de nos rois d’Angleterre ne serait pas très-longue, et il y aurait des pays auxquels il n’en resterait pas un. Mais quoique Richard III puisse grandement mériter d’être dégradé de cette manière sommaire, les pairs qu’il a créés et les lois qu’il a faites valent bien les pairs et les lois de tout autre prince. — Le duc de Norfolk, par exemple.

— Je ne puis rien y faire, mais il est en mon pouvoir d’empêcher Richard Bluewater d’être créé chevalier du Bain par George II, et j’userai de ce pouvoir.

— Cela n’est pas probable, puisqu’il est déjà créé, et que cette création a peut-être même déjà été annoncée dans les gazettes.

— Mais la prestation de serment n’a pas encore eu lieu ; et tout Anglais a le droit de refuser un honneur, – si cela peut s’appeler un honneur.