Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/99

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mutuelles ; mais, dans tous les cas d’intimité, il faut une grande identité de principes et même de goûts dans tout ce qui se rattache aux motifs des actions, pour assurer un respect mutuel entre ceux dont les sentiments sont plus élevés qu’il n’est d’ordinaire, ou une sympathie réciproque parmi ceux dont l’esprit reste à un niveau plus bas. Tel était le fait en ce qui concernait nos deux amiraux. Deux hommes ne pouvaient différer plus l’un de l’autre par le tempérament et le caractère, au physique et, à certains égards, au moral ; mais quand il s’agissait de principes ou de ces goûts et de ces sentiments qui y sont alliés, il existait entre eux une forte affinité, naturelle aussi bien qu’acquise. Cette similitude de sentiments s’était encore augmentée par des habitudes communes, et par la carrière qu’ils avaient si longtemps parcourue ensemble dans la même profession. Rien ne fut donc plus facile à sir Gervais Oakes que de comprendre ce qui se passait dans l’esprit de l’amiral Bluewater, tandis que celui-ci cherchait à se persuader qu’il avait été convenablement traité par le gouvernement actuel. Les raisonnements que fit en cette occasion l’imagination de sir Gervais, lui prirent donc beaucoup moins de temps qu’il ne nous en a fallu pour en expliquer la nature, et après avoir regardé fixement son ami pendant quelques secondes comme nous l’avons déjà dit, il lui répondit ainsi qu’il suit, influé en grande partie, sans qu’il s’en doutât, par le désir de réprimer le penchant de Bluewater pour la maison de Stuart.

— Je suis fâché de ne pouvoir être d’accord avec vous, Dick, lui dit-il avec quelque chaleur. Bien loin de croire que vous ayez été bien traité par aucun ministère depuis vingt ans, je pense que vous avez grandement à vous en plaindre. Sans doute vous avez le grade de contre-amiral mais on ne pouvait se dispenser de l’accorder à un brave officier après de longs services, sous un gouvernement quelconque bien organisé ; mais vous a-t-on appelé aux commandements en chef auxquels vous aviez droit ? J’étais commandant en chef quand je n’étais encore que contre-amiral de l’escadre bleue ; et combien de temps avais-je porté un guidon de commandement avant d’arborer le pavillon carré d’amiral ?

— Vous oubliez combien de temps j’ai servi avec vous, Oakes. Quand deux officiers servent ensemble, il faut bien que l’un commande et que l’autre obéisse. Bien loin de me plaindre du bureau de l’amirauté, je dirai qu’il semble avoir toujours en vue la faiblesse des droits de son maître au trône de la Grande-Bretagne, et qu’il désire lui acheter les services des hommes braves et honnêtes en leur accordant des faveurs.