Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/101

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un profond regret que ma profession m’ait empêché de puiser à toutes ces sources de profonde érudition. Mais il est permis d’admirer même ce qu’on ne saurait imiter.

— Sans contredit, signor Smit, répondit Andréa avec un sourire de bienveillance ; mais, avec des dispositions comme les vôtres, il n’est pas très-difficile d’imiter ce qu’on admire. Je vous ferai une liste d’ouvrages que je vous engage à lire, et en touchant à Livourne ou à Naples, vous trouverez à les acheter à un prix raisonnable. Vous pouvez être sûr de la trouver demain matin sur votre table en déjeunant, car je ne me coucherai pas qu’elle ne soit finie.

Raoul se plut à regarder cette promesse comme une manière de lui faire sentir qu’il était temps qu’il se retirât ; et, se levant sur-le-champ. il prit congé du vice-gouverneur avec beaucoup d’assurances de gratitude et de satisfaction. Mais dès qu’il fut sorti du palais, il respira longuement, en homme qui échappe à une persécution dont l’ennui n’a été allégé que par le ridicule ; et il lâcha quelques malédictions contre toutes les nations du Nord, dont l’histoire ancienne était beaucoup plus longue et plus compliquée qu’il ne l’aurait jugé nécessaire. En se livrant à ces réflexions, il arriva à la promenade sur les hauteurs, et vit qu’il n’y restait déjà presque personne. Enfin, il crut voir une femme à quelque distance en avant de lui, dans une partie de la promenade qui n’était jamais très-fréquentée : et se dirigeant de ce côté, il reconnut bientôt celle qu’il cherchait, et qui l’y attendait évidemment.

— Raoul, dit Ghita d’un ton de reproche, à quoi aboutiront les risques que vous courez si souvent ? Après être sorti avec tant d’adresse et de bonheur du havre de Porto-Ferrajo, comment avez-vous été assez imprudent pour y revenir ?

— Vous en savez la cause, Ghita ; pourquoi donc me faire cette question ? San Nettuno ! n’ai-je pas fait une jolie manœuvre ? Et ce brave gouverneur, comme je l’ai pris pour dupe ! Je pense quelquefois, Ghita, que je me suis trompé sur ma vocation, et que j’aurais dû me faire diplomate.

— Et pourquoi diplomate plutôt qu’autre chose, Raoul ? Vous êtes trop honnête pour tromper longtemps, quoi que vous puissiez faire dans une occasion comme celle-ci et dans un cas d’urgence.

— Pourquoi ? Mais n’importe. Cet Andréa Barrofaldi et ce Vito Viti sauront un jour pourquoi. Et maintenant, Ghita, parlons de nos affaires, car le Feu-Follet ne peut décorer toujours la baie de Porto-Ferrajo.

— Cela est vrai, et je ne suis venue ici que pour vous en dire autant