Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/115

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À ces mots, il toucha la mèche d’une des fusées dont il avait eu soin de prendre plusieurs avec lui, du bout allumé d’un cigare qu’il fumait. Elle prit feu et s’éleva assez haut pour être visible du pont du Feu Follet avant de faire explosion. Griffin vit ce nouveau signal avec surprise, et le capitaine Cuff ne sut qu’en penser ; car il le voyait fort en avant de la lampe. Tommaso lui-même crut devoir quitter son poste pour aller en faire son rapport au colonel, qu’il avait ordre d’informer de tout ce qu’il pourrait voir d’extraordinaire. L’idée générale fut qu’un second croiseur était arrivé du côté du sud pendant la nuit, et qu’il faisait ce signal pour en avertir la Proserpine, qu’il s’attendait à trouver à la hauteur de cette île.

L’effet qu’il produisit à bord du Feu-Follet fut tout différent. La brise de terre d’Italie est un vent de travers pour les bâtiments qui sortent de la baie de Porto-Ferrajo, et, deux minutes après l’explosion de la fusée, le lougre filait presque imperceptiblement, quoique à raison d’un ou deux nœuds, sous son foc et son tape-cul, vers le côté extérieur du port, le long des bâtiments près desquels il avait passé la veille. Ce mouvement commença précisément à l’instant où Tommaso Tonti venait de quitter son poste, et les sentinelles ordinaires du port avaient des consignes différentes. Ce petit bâtiment était si léger, qu’un souffle d’air le mettait en mouvement, et rien n’était plus facile que de lui faire filer trois ou quatre nœuds sur une eau tranquille, surtout quand les replis comparativement vastes de ses deux voiles majeures étaient déployés ; ce qu’on fit dès qu’il fut hors de vue de la ville et sous les murs de la citadelle, les sentinelles qui étaient sur les remparts entendant le battement des voiles sans savoir d’où venait ce bruit. En ce moment, Ithuel fit partir une seconde fusée ; et le lougre y répondit en allumant un fanal à bâbord, après avoir pris les précautions nécessaires pour que la lumière n’en fût visible que d’un seul côté, celui d’où la fusée était partie. Cinq minutes après l’Américain était sur le pont, et le léger canot fut hissé à bord aussi facilement que si c’eût été un ballon rempli d’air. Trompée par cette seconde fusée, la Proserpine signala son numéro avec des fanaux, dans l’intention d’obtenir celui du bâtiment nouvellement arrivé, croyant que le promontoire cacherait ce signal aux bâtiments qui étaient dans la baie. Raoul apprit ainsi la position exacte de l’ennemi, et il ne fut pas fâché de voir qu’il en était déjà à l’ouest, ce qui lui permettait de doubler l’île encore une fois d’assez près pour être caché par les rochers. À l’aide d’une excellente longue-vue de nuit, il put même voir la frégate. Elle était à environ une lieue de distance, sous toutes ses voiles depuis ses cacatois jus-