Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/116

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qu’à ses basses voiles, et elle s’avançait vers l’entrée de la baie bâbord amures ; ayant fait ses calculs assez exactement pour se trouver au vent à l’entrée du port avec la brise régulière de terre. Raoul sourit à cette vue, et fit carguer sa grande voile. Une demi-heure après, il fit aussi carguer sa misaine, border tout plat le tape-cul, et mettre la barre dessous et l’écoute de foc au vent.

Lorsque ce dernier ordre eut été exécuté, la clarté du jour commençait à poindre au-dessus des montagnes de Radicofani et d’Aquapendente. Le Feu-Follet était alors à environ une lieue à l’ouest du promontoire, et par le travers de la baie large et profonde qui se trouvait de ce côté de la ville, comme nous l’avons déjà dit : il était déjà, de beaucoup, hors de la portée des batteries. Cependant le vent de nuit manqua, et il y avait toute apparence qu’il y aurait un calme le matin. Il n’y avait rien d’extraordinaire à tout cela dans cette saison, les vents qui viennent du sud étant habituellement légers et de peu de durée, à moins qu’ils ne soient accompagnés d’une rafale : il est vrai qu’à l’instant où le soleil parut, le vent du sud arriva ; mais il était si faible, qu’il était à peine possible de maintenir le lougre en panne avec le cap sud-ouest.

La Proserpine continua sa route jusqu’à ce que le soleil se fût assez avancé sur l’horizon pour permettre aux vigies de la frégate d’apercevoir le Feu-Follet, qui la bravait en quelque sorte, à la distance d’environ une lieue et demie. Cette nouvelle mit tout l’équipage en mouvement ; et ceux qui se trouvaient sous le pont y remontèrent à la hâte, pour voir encore une fois un bâtiment si renommé par l’adresse avec laquelle il savait échapper à la poursuite de tous les croiseurs anglais dans cette mer. Quelques minutes ensuite, Griffin arriva à bord, décontenancé et désappointé. Le premier regard qu’il jeta sur son capitaine lui annonça un orage ; car le commandant d’un bâtiment de guerre n’est pas moins sujet à être déraisonnable, quand il ne peut obtenir ce qu’il désire, que tout autre potentat. Le capitaine Cuff n’avait pas jugé à propos d’attendre sur le pont le retour de son second lieutenant ; car, dès qu’il avait appris qu’il arrivait sur un bateau parti du rivage, il s’était retiré dans sa chambre, en laissant ordre à M. Winchester, son premier lieutenant, de lui envoyer M. Griffin dès qu’il aurait fait rapport de son retour.

— Eh bien ! Monsieur, dit le capitaine à Griffin, sans lui offrir une chaise, dès qu’il entra dans sa chambre, nous sommes ici ; et là-bas, à trois ou quatre lieues de nous, est cet infernal Fiou-Fully ! car c’était ainsi que la plupart des marins anglais prononçaient les mots : Feu-Follet.