Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/137

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Ithuel parut déconcerté, car il n’avait jamais douté le moins du monde que l’adoration des images ne fût une partie matérielle du culte catholique ; quant au pape et aux cardinaux, il les regardait comme aussi indispensables à la croyance de cette église, qu’il trouvait important, dans la sienne, que les ministres de la religion ne portassent pas la robe sacerdotale, et que le haut des fenêtres des édifices destinés au culte religieux se terminât en ligne droite. Quelque absurdes que toutes ces idées puissent sembler aujourd’hui, elles formaient alors et elles forment encore une partie essentielle de la croyance de ces sectaires, et elles causaient les animosités et les haines de ceux qui semblent croire nécessaire de se quereller pour l’amour de Dieu. Si nous voulions jeter les yeux en arrière sur nos propres changements d’opinions, nous aurions moins de confiance en la justice de nos sentiments ; et l’on croirait surtout que l’Américain, livré aux pratiques et aux croyances de la plupart des sectes modernes de son propre pays depuis vingt-cinq ans, devrait avoir plus de respect pour les divisions plus anciennes et plus vénérables qui ont eu lieu dans le monde chrétien.

— Des vêtements convenables ! répéta Ithuel avec mépris ; — de quels vêtements l’homme a-t-il besoin aux yeux de Dieu ? Non ; s’il faut que j’aie une religion, — et je sais que cela est nécessaire et salutaire, — que ce soit une religion pure, nue, et qui soit conforme à la raison. — N’est-ce pas bien penser, capitaine Roule ?

— Ma foi, oui. — La raison avant tout, Ghita, et surtout la raison en religion.

— Ah, Raoul ! c’est là ce qui vous trompe et ce qui vous égare, s’écria-t-elle avec chaleur. La foi et une confiance soumise sont ce qui nous inspire des sentiments convenables ; et cependant vous demandez des raisons à celui qui a créé l’univers et qui vous a donné le souffle de la vie

— Ne sommes-nous pas des créatures douées de raison, Ghita ? répondit Raoul avec un ton de douceur et de sincérité qui rendait son scepticisme même piquant et respectable ; est-il déraisonnable à nous d’agir conformément à notre nature ? Puis-je adorer un Dieu que je ne comprends pas ?

— Pourriez-vous adorer un Dieu que vous comprendriez ? il cesserait d’être Dieu, et deviendrait semblable à nous, si sa nature et ses attributs pouvaient s’abaisser au niveau de notre intelligence. Si un de vos matelots venait sur ce gaillard d’arrière vous demander les motifs des ordres que vous donnez sur le bâtiment, vous le chasseriez comme un mutin et un insolent ; et cependant vous voudriez