Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/205

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la corde passée autour de son cou était assez lâche pour lui permettre cet acte d’humilité, et son confesseur se mit en prière à son côté.

— Je voudrais que Nelson n’eût eu rien de commun avec tout ceci, dit le capitaine Cuff ; et, détournant la tête, son regard tomba, sans qu’il y pensât, sur le Foudroyant. Sur le gaillard d’arrière de ce vaisseau était la dame dont il a déjà été parlé dans ce chapitre, spectatrice avide de cette scène de mort. Elle n’avait auprès d’elle qu’une suivante, les hommes de sa compagnie n’ayant pas eu les nerfs assez forts pour rester à son côté. Cuff en détourna les yeux avec dégoût, et à l’instant même un cri général se fit entendre. Il porta ses regards vers la Minerve, et vit les bras vigoureux des matelots napolitains tirer la corde attachée au cou de l’infortuné Caraccioli, qui était encore à genoux, et l’enlever ans bout de la vergue, laissant le bon prêtre seul sur la plate-forme, encore agenouillé et en prière. Il y eut une horrible minute de lutte entre la vie et la mort, après quoi le corps de l’amiral, si récemment la demeure d’une âme immortelle, resta suspendu passivement à l’extrémité de la vergue, aussi insensible que la pièce de bois qui le soutenait[1].


CHAPITRE XV.


« Dors, dors sur la mer, infortuné. Le murmure des eaux t’assoupit à présent ; son bras ne te servira plus d’oreiller, et ta main n’essuiera plus son front. Il n’est pas assez près pour te nuire, ni pour te sauver. La terre est à lui, — la mer doit être ta tombe. »
Dana.



Pendant toute une longue soirée d’été, le corps de don Francesco Caraccioli resta suspendu au bout de la vergue de misaine de la Minerve, spectacle révoltant pour ses concitoyens et pour la plupart des étrangers qui avaient été témoins de sa mort. On le plaça alors dans un canot, ayant des boulets ramés attachés à ses pieds, on le conduisit à une bonne lieue dans la baie, et là on le jeta dans la mer. La manière dont il reparut à la surface, une quinzaine de jours après, comme pour braver ceux qui l’avaient fait périr, peut se lire dans l’histoire ; et c’est une légende que racontent encore aujourd’hui à

  1. Si le lecteur est curieux de savoir quelle était la dame dont il est ainsi parlé dans les derniers chapitres, et que l’auteur n’a pas nommée, il peut consulter dans tout dictionnaire de biographie les articles Nelson et sir William Hamilton. (Note du traducteur.)