Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/211

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— Ne craignez rien ! s’écria Griffin en italien, nous voulons seulement vous offrir de vous prendre à la remorque. Attention, et attrapez la ligne. — Jetez la ligne !

On jeta une ligne de la frégate sur le canot, et comme elle tomba sur la tête d’Ithuel, il ne put faire moins que de la saisir. Malgré toute sa détestation des Anglais, et surtout de ce bâtiment, Ithuel avait le penchant de ses compatriotes à se fatiguer le moins possible, et il crut jouer un excellent tour en faisant aider un corsaire français par une frégate anglaise. Il accepta donc l’offre du lieutenant, et se servant de la ligne avec dextérité, le canot fut bientôt à la remorque par la hanche de la Proserpine, Raoul ayant pris la barre, et gouvernant sa yole de manière à ne pas accoster la frégate. Ce changement fut si soudain et si inattendu, que Ghita ne put s’empêcher d’exprimer à demi-voix sa crainte qu’il ne fît découvrir quels étaient ses deux compagnons.

— Ne craignez rien, chère Ghita, répondit Raoul ; ils ne peuvent soupçonner qui nous sommes, et, en étant ici, nous pouvons apprendre quelque chose d’utile. Dans tous les cas, le Feu-Follet n’a rien à craindre d’eux en ce moment.

— Êtes-vous des bateliers de l’île de Capri ? demanda Griffin, qui était sur la lisse de couronnement de la frégate avec Cuff et les deux Italiens ; le capitaine dictant en anglais à son lieutenant les questions que celui-ci faisait en italien.

— Signor, répondit Raoul, prenant le patois du pays aussi bien qu’il le pouvait, et déguisant sa voix mâle et sonore sous un ton aigre et perçant. Nous sommes des bateliers de Capri qui avons apporté du vin à Naples, mais nous sommes en retard parce que nous avons voulu voir ce qui se passait à bord de la Minerve. — Cospetto ! ces signori ne s’inquiètent pas plus de la vie d’un prince que nous ne nous inquiétons dans notre île de celle d’une caille, pendant la saison. — Pardon, chère Ghita, ajouta-t-il tout bas, mais il faut leur jeter de la poudre aux yeux.

— Quelque bâtiment étranger a-t-il passé en vue de votre île depuis vingt-quatre heures ?

— La baie en est pleine, Signor ; les Turcs même viennent nous voir depuis leur dernière brouille avec les Français.

— Oui, mais les Turcs sont maintenant vos alliés comme nous le sommes, nous autres Anglais. — Avez-vous des bâtiments de quelque autre nation ?

— On dit qu’il s’y trouve aussi des bâtiments venant de bien loin du côté du nord, des Russes, je crois qu’on les appelle.