Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/213

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lune ; que les voiles en interceptaient en partie la clarté, et qu’il savait par expérience qu’aucun des deux Italiens n’était assez sorcier pour découvrir une imposture.

La bordée de premier quart venait de monter ; et Winchester, guéri de sa blessure, tenait en main le porte-voix, tandis que Griffin n’avait plus d’autre chose à faire que de servir d’interprète. Deux ou trois midshipmen se promenaient indolemment sur le gaillard d’arrière ; çà et là un marin était en vigie près des drisses ou sur un bossoir ; vingt à trente vieux loups de mer se promenaient sur le passe-avant ou sur le gaillard d’avant, les bras derrière le dos, ou les mains passées dans leur jaquette : et un vieux aide-timonier, dont les yeux actifs étaient toujours aux aguets, était à côté de l’homme qui était à la roue, et faisait gouverner le bâtiment. Les autres hommes de quart s’étaient étendus entre les canons ou sur les dromes, paraissant prêts à agir, mais, de fait, sommeillant. Cuff, Griffin et les deux Italiens quittèrent le couronnement, et s’approchèrent du gaillard d’arrière pour y attendre l’arrivée du prétendu lazzarone, ou batelier de Capri, comme on le supposait. Par un nouvel arrangement, Vito Viti fut alors chargé de faire les questions, que Griffin traduisait au capitaine à mesure qu’elles étaient faites, ainsi que les réponses.

— Approchez, l’ami, dit le podestat avec un air de protection, mais d’un ton un peu hautain. Le noble et généreux capitaine anglais sir Kuff m’a chargé de vous remettre ce ducat, pour vous prouver qu’il ne vous demande rien qu’il ne soit disposé à payer. Un ducat, c’est beaucoup d’argent, comme vous le savez ; et une bonne paie mérite de bons services.

— Votre Excellence le dit avec vérité : un ducat mérite de bons services.

Bene. Maintenant dites à ces signori tout ce que vous savez de ce lougre dont vous venez de parler ; ou vous l’avez vu, quand vous l’avez vu, et ce qu’il faisait. — Mettez de l’ordre dans vos idées, et ne répondez qu’à une chose à la fois.

— Signor, si ; je mettrai tout en bon ordre, et je ne vous dirai qu’une chose à la fois. Je crois que je dois commencer par vous dire où je l’ai vu, ensuite quand je l’ai vu, et enfin ce qu’il faisait alors. Je crois que c’est ce que vous m’avez demandé, Excellence ?

— C’est cela même. Répondez dans cet ordre, et vous vous ferez bien comprendre. — Mais, dites-moi d’abord, tous les naturels de Capri parlent-ils la même sorte d’italien que vous ?

— Signor, si. — Cependant, ma mère étant française, on dit que