Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/227

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parent. — Je ne serais pourtant pas très-fâché que la petite-vérole labourât le visage de cette infernale beauté.

— Ce qui s’est passé aujourd’hui en a fait une mauvaise journée pour l’Angleterre, capitaine, soyez-en bien sûr.

— Eh bien, Winchester, le Nil et le cap Saint-Vincent en ont été de bonnes, et cela fait compensation. Monsieur Griffin, demandez à cette jeune fille si je n’ai pas eu le plaisir de la voir aujourd’hui à bord du Foudroyant.

La question fut faite, et Ghita, d’un ton calme et sans hésiter, répondit affirmativement.

— À présent, priez-la de nous expliquer comment il se fait qu’elle se trouve en la compagnie de Raoul Yvard.

— Signori, répondit Ghita du ton le plus naturel, car elle n’avait rien à cacher sur ce point, — nous demeurons sur le mont Argentaro ; où mon oncle est garde des tours du prince. Vous savez que les Barbaresques sont fort à craindre le long de ces côtes, et l’année dernière, quand la paix avec la France tenait les Anglais éloignés, je ne sais comment cela se fait, Signori, mais on dit que les Barbaresques attaquent toujours de préférence les ennemis de l’Angleterre ; — le canot d’un pirate nous avait faits prisonniers, ou plutôt esclaves, mon oncle et moi, et nous emmenait en Afrique, quand M. Yvard arriva avec son lougre et nous rendit la liberté. Un tel service en fit notre ami, et il est venu plusieurs fois nous voir à nos tours. Aujourd’hui nous l’avons trouvé sur un canot près du vaisseau amiral anglais : le bateau qui nous y avait amenés avait disparu, et, en sa qualité d’ancienne connaissance, il se chargea de nous conduire sur la côte de Sorrento, où nous sommes en visite chez une sœur de ma mère.

Ces mots furent prononcés d’un ton si naturel, qu’ils portaient l’empreinte de la vérité, et quand Griffin les eut traduits, il ajouta qu’il répondrait de l’exactitude de cette déclaration.

— Oui, oui, Griffin, répondit Cuff, vous autres jeunes gaillards, vous êtes toujours prêts à faire des serments à une jolie fille, ou en sa faveur. Quoi qu’il en soit, celle-ci a un air de franchise, et ce qui est plus extraordinaire, attendu la compagnie qu’elle voit, elle paraît modeste et honnête. Assurez-la qu’elle n’a rien à craindre, mais dites-lui que nous ne pouvons nous priver sur-le-champ du plaisir de sa société. Elle occupera jusqu’à demain matin la chambre à bâbord de celle du conseil, et j’ose dire que son oncle et elle pourront s’y trouver plus commodément que dans un de leurs pigeonniers du mont Argentaro.

— C’est une pointe sur les confins des états Romains, et les tours n’y manquent pas, car il y en a au moins une demi-douzaine,