Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/229

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de la Proserpine sans être parfaitement déguisé. Raoul, bien pourvu de tout ce qui était nécessaire pour divers déguisements, y avait procédé en couvrant les cheveux roux, longs et raides de l’Américain, d’une perruque à cheveux noirs frisés, et en teignant de la même couleur ses favoris et ses sourcils ; et pour le reste de la métamorphose, il s’était fié au changement que produirait en lui le costume d’un batelier napolitain. Le plus grand obstacle à surmonter avait été une certaine queue, entourée d’une peau d’anguille préparée, qu’il avait apportées d’Amérique, l’une et l’autre, huit ans auparavant, et qu’il conservait comme des souvenirs de jours plus heureux. Une fois par semaine, il dénouait et peignait cette queue ; mais tout le reste du temps, il la portait en masse compacte de plus de deux pieds de longueur et d’un bon pouce d’épaisseur. Cette queue avait reçu son coup de peigne hebdomadaire une heure avant le moment où Raoul lui proposa de l’accompagner dans la baie de Naples, et c’eût été soumettre à une innovation le seul objet qu’il traitât avec respect, que de séparer ses cheveux de la peau d’anguille avant l’expiration d’une autre semaine. Raoul fut donc obligé de replier cette queue sous la perruque, aussi bien que sa forme, sa longueur et son épaisseur le permettaient.

On laissa Ithuel dans la grande chambre, et l’on alla annoncer son arrivée au capitaine anglais.

— C’est sans doute quelque pauvre diable faisant partie de l’équipage du Fiou-Folly, dit Cuff avec une sorte de compassion, et il ne serait pas raisonnable de le faire pendre pour avoir obéi aux ordres de son commandant. Cela serait un peu dur, Griffin ; ainsi donc nous le regarderons simplement comme un prisonnier français, et nous l’enverrons en Angleterre pour être mis en prison à bord d’un ponton, par la première occasion qui se présentera.

À l’instant où il achevait ces mots, le prisonnier fut amené. Comme de raison, Ithuel comprenait parfaitement tout ce qui se disait en anglais ; mais l’idée qu’il allait être interrogé en français lui causa une sueur froide, et le meilleur moyen qui se présenta à son esprit pour se tirer d’embarras fut de feindre d’être muet.

— Écoutez, mon ami, lui dit Griffin, parlant en assez bon français pour un Anglais ; répondez-moi avec franchise et vérité, et vous vous en trouverez bien. — Vous faites partie de l’équipage du Feu-Follet, n’est-ce pas ?

Ithuel secoua la tête d’un air fortement négatif, et s’efforça de produire un son qui put paraître le résultat des efforts que faisait un muet pour prononcer le mot Napoli.