Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/34

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

capitano a sur lui sa commission, s’il voulait nous la montrer, nous pourrions aller nous coucher en paix, et dormir jusqu’au matin.

— Voici donc votre soporifique, Signor, dit le capitaine en riant, tirant de sa poche différents papiers. — Voici les ordres que j’ai reçus de l’amiral ; et comme ils ne sont pas secrets, vous pouvez les lire. — Voici ma commission : vous y verrez la signature du ministre de la guerre d’Angleterre, et la mienne. Voyez-vous ? Jacques Smit. — Enfin Enfin voici l’ordre qui m’a été donné, comme lieutenant de vaisseau, de prendre le commandement du Ving-and-Ving.

Tous ces documents étaient écrits très-lisiblement et en fort bon anglais. La seule circonstance qui aurait pu paraître suspecte à un homme attentif et connaissant parfaitement la langue, était que le porteur de ces pièces y était dénommé Jack Smith, et qu’il y avait apposé pour signature Jacques Smit, ce que le marin avait fait par opiniâtreté, en dépit des remontrances de l’habile faussaire qui avait forgé ces pièces. Mais Andréa n’était pas assez savant en anglais pour remarquer cette bévue, et il prit le Jack pour argent comptant, ce qu’il eût fait de même si c’eût été John, Edward, ou tout autre nom ; Quant aux mots wing and wing, tout était parfaitement en règle, quoiqu’ils s’opiniâtrassent à les prononcer, le capitaine, ving and ving, et les deux fonctionnaires ving y ving. Ces documents tendaient fortement à aplanir toutes difficultés, et les objections de Tommaso Tonti étaient à peu près oubliées par les deux Italiens quand ils rendirent au capitaine ses papiers, qu’il remit fort tranquillement dans sa poche.

— Il n’était nullement probable, Vito Viti, dit le vice-gouverneur d’un air satisfait de lui-même ; qu’un ennemi ou un corsaire se fût hasardé dans notre port ; car nous avons la réputation d’être vigilants, et de connaître notre besogne aussi bien que les autorités de Livourne, de Gênes et de Naples.

— Et cela, Signor, sans avoir rien à y gagner que des horions et une prison, ajouta le capitaine avec un de ses sourires les plus séduisants, — sourire qu’adoucit le cœur du podestat, et qui échauffa celui du vice-gouverneur au point de le porter à inviter l’étranger à partager son souper. L’invitation fut acceptée, et la table étant mise dans une pièce voisine, il capitano Smit et Vito Viti y prirent place avec Andréa Barrofaldi quelques minutes après.

À compter de ce moment, s’il restait encore quelque méfiance dans le cœur des deux fonctionnaires de Porto-Ferrajo, elle fut tellement étouffée, qu’eux seuls purent s’en apercevoir. Les mets légers de la cuisine italienne, et les vins encore plus légers de Toscane, ne