Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/373

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ments ; il s’avançait pour attaquer, et il était déjà à une portée de canon. Pour empêcher les Français de lui échapper en se réfugiant à terre, il avait résolu de s’approcher du côté du rivage. Cette disposition convenait à Raoul, car il l’avait prévue, et il avait pris ses mesures en conséquence.

Il y avait en vue huit canots. Sept marchaient en avant et formaient une ligne. Six avaient des équipages nombreux et bien armés, et étaient évidemment prêts à combattre. Les trois plus grands portaient sur l’avant une caronade de 12 ; les autres n’avaient pas d’artillerie. Le septième canot était le gig de la Terpsichore. Il n’avait que son équipage ordinaire, mais bien armé, et c’était en quelque sorte le cheval de bataille du commandant en chef de l’expédition. En d’autres termes, sir Frédéric s’en servait pour aller sur toute la ligne donner ses ordres de canot en canot, et adresser à l’équipage de chacun d’eux quelques mots d’encouragement. Le huitième canot était en arrière, et hors de la portée des canons des Français : c’était un bateau de Capri sur lequel Andréa Barrofaldi et Vito Viti s’étaient placés pour être témoins de la capture ou de la destruction de leur ancien ennemi, le Feu-Follet. Quand Raoul Yvard avait été fait prisonnier dans la baie de Naples, ces deux personnages importants s’étaient imaginé que la mission qu’ils s’étaient donnée à eux-mêmes était terminée, et qu’ils pouvaient retourner à Porto-Ferrajo avec honneur, et lever la tête avec dignité parmi les fonctionnaires de l’île d’Elbe. Mais la manière dont le jeune corsaire s’était évadé de la Proserpine, en leur présence, sinon à leur vue, avait entièrement changé l’état des choses, et ils avaient senti tomber sur leurs épaules un nouveau poids de responsabilité. Ils avaient été assaillis de nouveaux sarcasmes, et le ridicule dont ils venaient de se charger dépassait de beaucoup les premières preuves qu’ils avaient données de simplicité et de crédulité. Si Griffin et les officiers qui étaient à écouter autour de la chambre en toile du prisonnier n’eussent été jusqu’à un certain point impliqués comme eux dans cette affaire, il est probable que les quolibets lancés contre eux auraient été encore plus piquants. Quoi qu’il en soit, les demi-mots, les allusions détournées et les regards malins même des matelots, c’en était bien assez pour les déterminera à retourner in terrâ firmâ, dès qu’ils en trouveraient l’occasion. Mais en attendant, tant pour échapper aux persécutions que pour tâcher de s’attribuer quelque parcelle de la gloire qu’on allait acquérir, ils avaient loué un bateau pour suivre l’expédition comme amateurs. Leur projet n’était pourtant pas de prendre part au combat ; la vue des incidents auxquels il donnerait lieu suffirait bien, comme le sou-