Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/74

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Cospetto ! Vous pourriez aussi bien me demander, Signor, quel motif peuvent avoir ces républicains pour faire mille autres choses non moins étranges ? Pourquoi ont-ils décapité Louis XVI ? Pourquoi ont-ils parcouru la moitié de votre Italie, conquis l’Égypte, et repoussé les Autrichiens sur leur Danube ?

— Pour ne rien dire de ce qu’ils se sont laissé battre par Nelsoni à Aboukir, ajouta Vito Viti d’un ton caustique.

— Sans doute, Signor, pourquoi ont-ils laissé mon brave compatriote Nelson anéantir leur marine près de l’embouchure du Nil ? Je n’ai pas voulu vanter la gloire de mon pays, sans quoi j’aurais pu aussi faire cette question. Nous avons à bord du Ving-and-Ving plusieurs hommes qui étaient à ce combat glorieux, entre autres notre master, Itouel Bolt, qui était par hasard à bord du vaisseau de Nelson, où il avait été envoyé pour cause de service par le capitaine de la frégate à laquelle il appartient, comme pour partager la gloire de cette journée.

— J’ai vu le signor Bolto, dit Andréa Barrofaldi d’un ton un peu Sec ; èuno Americana.

— Américain ! répéta Raoul, tressaillant presque, malgré son air d’indifférence affectée. — Ah ! oui ; je crois qu’il est né en Amérique ; mais c’est dans l’Amérique anglaise, Signor, ce qui est à peu près la même chose que s’il fût né en Angleterre. Nous regardons les Yankees comme faisant partie de notre nation, et nous les prenons volontiers à notre service.

— C’est précisément ce que le signer Bolto nous a donné lieu de croire. — Il paraît aimer extrêmement la nation anglaise.

Raoul se sentit mal à l’aise. Il ignorait complètement ce qui s’était passé dans le cabaret, et il crut remarquer un ton d’ironie dans ce que venait de dire le vice-gouverneur.

— Certainement, Signor, répondit-il d’un ton ferme, tous les Américains aiment l’Angleterre, et ils doivent l’aimer pour peu qu’ils réfléchissent à tout ce que cette grande nation a fait pour eux. — Mais je venais, signor vice-gouverneur, pour vous offrir les services de mon lougre, dans le cas où ce bâtiment français aurait réellement de mauvaises intentions. Le nôtre est loin d’être un vaisseau de haut bord, j’en conviens, et nous n’avons que des canons de petit calibre ; mais ils sont en état de briser les fenêtres des chambres de cette frégate, tandis que, de ces hauteurs, vous lui feriez des avaries plus sérieuses. J’espère que vous assignerez un poste honorable au Ving-and-Ving, si vous en venez aux coups avec ces républicains.

— Et de quel service vous serait-il plus agréable de vous charger,