Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/8

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hommes, même sous son aspect le plus brillant, que nous avons à nous occuper. Tandis que chacun admettra combien la nature a fait pour la Méditerranée, personne ne niera que, jusqu’à une époque très récente, elle ait été la scène de plus de violences et d’injustices que peut-être aucune autre partie du monde. Avec les races différentes qui occupent ses côtes au nord et au midi, races plus séparées encore par leurs destins que par leur origine, leurs habitudes et leur religion, barrière placée en quelque sortes entre les chrétiens et les musulmans, et d’une antiquité qui défie l’histoire, le sein de ses ondes azurées a réfléchi plus d’actes de violence, a été témoin de plus de scènes de carnage, et a entendu plus de cris de victoire entre le siècle d’Agamemnon et celui de Nelson, que tous les autres domaines de Neptune ensemble. La nature et les passions se sont réunies pour faire de cette mer l’image de la physionomie humaine, qui cache sous ses sourires et son expression presque divine la fournaise si souvent embrasée dans notre cœur, et le volcan qui consume notre bonheur. Pendant des siècles, le Turc et le Maure ont rendu dangereux pour les Européens de naviguer entre ces côtes souriantes ; et quand le pouvoir des barbares disparaissait temporairement, ce n’était que pour faire place aux luttes de ceux qui les chassaient de l’arène pour l’occuper un moment.

Tout le monde connaît les circonstances qui rendirent l’époque qui s’écoula entre 1790 et 1815, la plus fertile des temps modernes en événements, quoique les incidents variés qui ont marqué ce quart mémorable d’un siècle soient déjà devenus des souvenirs historiques. Tous les éléments de la lutte qui agita alors le monde semblent maintenant dans un état de calme aussi complet que s’ils eussent dû leur existence à un temps bien éloigné, et les hommes qui en ont été les témoins et qui vivent encore, ne se rappellent ce qui s’est passé dans leur jeunesse, que comme des événements rapportés dans les annales des siècles passés. Alors, chaque mois amenait une défaite ou une victoire, la relation d’un gouvernement renversé ou d’une province conquise. L’univers était agité comme le sont les hommes dans un moment de tumulte. Les êtres timides jettent un regard en arrière sur cette époque avec surprise, les jeunes gens avec doute, et les esprits turbulents et inquiets avec envie.

Les années 1798 et 1799 furent les deux plus remarquables de cette époque à jamais mémorable, et c’est sur cette période féconde et agitée que nous devons fixer l’imagination du lecteur, pour le placer au milieu des scènes que nous avons intention de décrire.

Vers la fin d’un beau jour du mois d’août, un bâtiment léger,