Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/82

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Raoul la perdirent bientôt dans les rues de la ville. Le jeune marin fut un instant indécis s’il la suivrait ou non. Enfin il monta à la hâte sur la terrasse qui était en face du gouvernement pour tâcher de s’assurer de la cause du coup de canon qu’il venait d’entendre. Le même motif y avait déjà attiré bien des curieux ; et, en y arrivant, il se trouva au milieu d’une nouvelle foule.

La Proserpine, — car Ithuel ne s’était pas trompé en nommant ainsi ce bâtiment, — était alors à une lieue de l’entrée de la baie, elle avait viré de bord, en s’élevant à l’est, avec l’intention apparente d’y entrer à la bordée suivante. La fumée produite par la poudre s’élevait sous le vent en petit nuage, et des signaux se montraient encore en tête de son grand mât. Tout cela était fort intelligible pour Raoul, et il lui parut évident que la frégate s’était avancée pour examiner de plus près le lougre armé qu’elle voyait dans la baie, et pour avoir des communications avec lui par le moyen de signaux. L’expédient d’Ithuel n’avait pas suffi ; le vigilant capitaine Cuff, autrement dit sir Brown, qui commandait la Proserpine, n’étant pas homme à se laisser tromper par un tour si usé. Raoul respirait à peine, tandis qu’il avait les yeux fixés sur le lougre pour voir ce qu’il allait faire.

Ithuel ne semblait certainement pas pressé de se compromettre, car il se passa plusieurs minutes après que le signal eut été hissé à bord de la frégate avant qu’on aperçût sur le lougre aucun préparatif pour y répondre. Enfin on y vit disposer les drisses, et ensuite trois beaux pavillons furent hissés à l’extrémité de la vergue de tape-cul, dont la vergue restait hissée de beau temps. Raoul ne savait ce que ce signal pouvait signifier, car, quoiqu’il eût la liste des signaux qui lui étaient nécessaires pour avoir des communications avec les bâtiments de guerre de son propre pays, le Directoire n’avait pu lui faire connaître ceux dont il aurait eu besoin pour communiquer avec l’ennemi. Mais l’esprit fertile d’Ithuel lui avait fourni les moyens de pourvoir à ce déficit. Tandis qu’il servait à bord de la Proserpine, le même bâtiment qui semblait en ce moment menacer le lougre, il avait été témoin d’une rencontre entre cette frégate et un lougre corsaire anglais, un des deux ou trois bâtiments gréés ainsi qui faisaient voile sous pavillon anglais, et son œil toujours attentif avait remarqué avec soin les pavillons dont ce lougre s’était servi pour répondre aux signaux de la frégate. Comme il savait qu’on ne s’attend pas à trouver dans l’équipage d’un corsaire beaucoup de science ni même d’exactitude dans l’emploi des signaux, il prit le parti, en cette occasion, de faire hisser les mêmes pavillons, à tout hasard. S’il eût