Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/97

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Rome. Je doute que Pline l’ancien, Marc-Antoine et même César aient jamais fait une plus belle manœuvre ; et je ne suis pas un homme habitué à faire des compliments extravagants, Signor. Si c’eût été une escadre de vaisseaux à trois ponts, au lieu d’un petit lougre, le bruit de cet exploit aurait retenti dans toute l’Europe.

— Si c’eût été seulement une frégate, mon excellent ami, cette manœuvre n’aurait pas été nécessaire. Peste ! ce n’est pas un seul bâtiment républicain qui pourrait obliger une bonne frégate à longer les rochers, et à s’enfuir comme un voleur pendant la nuit.

— Ah ! voici le vice-gouverneur qui se promène sur sa terrasse, et qui meurt d’impatience de vous voir, signor sir Smit. Nous réserverons ce sujet d’entretien pour une autre occasion, en vidant une bouteille de bon vin de Florence.

Andréa Barrofaldi accueillit Raoul beaucoup plus froidement que ne l’avait fait le podestat, quoique avec politesse, et sans laisser paraître aucun symptôme de méfiance.

— Je viens, signor vice-gouverneur, dit le capitaine du lougre corsaire, en conséquence des ordres précis du roi mon maître, vous rendre de nouveau mes devoirs, et vous annoncer ma seconde arrivée dans votre baie, quoique la croisière que j’ai faite depuis mon départ n’ait pas été aussi longue qu’un voyage aux Indes orientales.

— Quelque courte qu’ait été votre absence, Signor, nous aurions eu tout lieu de regretter votre départ, s’il ne nous eût donné des preuves admirables de vos ressources et de vos connaissances eu marine. Pour vous dire la vérité, j’ai craint, en vous voyant partir, de ne plus avoir la satisfaction de vous voir. Mais, comme votre sir Cicéron anglais, vous pouvez, la seconde fois, nous être encore plus agréable que la première.

Raoul sourit, et ne put même s’empêcher de rougir un peu, après quoi il parut réfléchir profondément sur quelque objet important. Enfin il prit l’air de franchise d’un marin, et fit connaître ainsi qu’il suit l’objet qui l’occupait :

— Signor vice-gouverneur, je vous demanderai, avec la permission du signor Vito Viti, quelques instants d’audience privée. — Le podestat se retira à l’autre extrémité de la chambre, et Raoul continua :

— Je m’aperçois, Signor, que vous n’avez pas oublié ma petite fanfaronnade concernant le Cicéron anglais. Mais que voulez-vous ! nous autres marins, nous sommes envoyés sur mer encore enfants, et avant que nous ayons fait connaissance avec les livres. Mon excellent père, milord Smit, me plaça à bord d’une frégate que