Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 22, 1845.djvu/106

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sions qui demandaient de l’activité, mais non un manque de courage ; et j’avais attribué l’espèce de lassitude qu’il manifestait parfois, au changement d’état, et peut-être même de nourriture ; car l’homme, cette créature semblable à Dieu, n’est après tout qu’un animal, et il subit les influences de ses besoins tout aussi bien que le bœuf ou le cheval.

Ce fut avec une véritable satisfaction, dans laquelle je n’entrais pour rien, que M. Hardinge entendit cette déclaration de son fils, mais il ne fit aucune remarque, voulant nous laisser savourer le plaisir de nous retrouver à Clawbonny, sans l’assaisonner de sermons ou d’avis. La soirée se passa d’une manière délicieuse ; les jeunes filles riant de tout leur cœur de nos descriptions burlesques, de la manière de vivre à bord d’un bâtiment et de nos diverses aventures en Chine, à l’Île Bourbon et ailleurs. Ruppert était très-amusant, quand il le voulait, et il savait faire rire aux larmes, tout en conservant son sérieux, ce qui est le meilleur moyen d’y réussir.

Neb fut introduit après le souper, et il fut censuré et loué tout à la fois ; censuré pour avoir abandonné les dieux domestiques, loué pour n’avoir pas quitté son maître. Ses descriptions des Chinois, de leurs costumes, de leurs queues, de leurs souliers, étaient si drôles que M. Hardinge même s’en amusa comme un enfant ; jamais, depuis un siècle qu’ils étaient construits, les murs de Clawbonny n’avaient été témoins d’une soirée plus délicieuse.

Le lendemain j’eus un entretien particulier avec mon tuteur qui commença par me rendre une sorte de compte de mes biens pendant l’année qui venait de s’écouler. J’écoutai dans une attitude respectueuse et avec assez d’intérêt, ce qui fit grand plaisir à M. Hardinge. Tout était dans l’état le plus prospère ; l’argent comptant s’accumulait, et je vis qu’à ma majorité j’en aurais assez pour acheter un bâtiment, si j’en avais envie. Je me promis secrètement de me mettre, d’ici là, en état de le commander ; mais mon tuteur parla peu de l’avenir. Il se contenta d’exprimer l’espoir que je me donnerais le temps de réfléchir avant de prendre un parti définitif sur l’état que j’embrasserais. Je ne répondis à cette insinuation qu’en inclinant respectueusement la tête.

Pendant le mois qui suivit, ce fut à Clawbonny une joie et des transports sans cesse renaissants. Nous avions peu de familles à visiter dans les environs, et M. Hardinge proposa une excursion lointaine, mais il fut repoussé avec perte ; j’aimais jusqu’à la moindre pierre de Clawbonny, et rien ne pouvait nous être plus agréable que de vivre entre nous. Rupert faisait des lectures aux demoiselles, sous