Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 22, 1845.djvu/254

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à notre île, à ce que j’apprends, pour y recueillir ce qu’on y a laissé, et de là vous appareillez pour Canton ?

— C’était mon projet, et je vois avec plaisir que vous semblez l’approuver.

— Arrivé là, remplissez le schooner de tout ce qui ne sera pas utile à Canton ; le cuivre, par exemple, les marchandises anglaises, que sais-je ? je le conduirai à New-York, pendant que vous continuerez le voyage à bord de la Crisis, comme vous avez seul le droit de le faire.

J’eus beau employer tour à tour tous les arguments, Marbre fut inébranlable, et le soir même il était à bord de la Polly, dont il avait pris le commandement.


CHAPITRE XIX.


Cherche la côte sablonneuse qui forme la limite de la terre enchantée, et observe l’onde écumante jusqu’au moment où l’esturgeon viendra danser à la surface au clair de la lune.
Drake.


Je n’ai qu’un mot à dire du bâtiment baleinier. Après quelques mots échangés, nous lui rendîmes son canot, et il nous quitta pour retourner à sa pêche, pendant que nous nous dirigions vers l’île.

Aucun incident ne signala le reste de notre traversée. Nous atteignîmes le lieu de notre destination dix jours après avoir retrouvé Marbre ; et le navire ainsi que le schooner rentrèrent sans difficulté dans le bassin. Tout y était exactement dans l’état où nous l’avions laissé deux mois auparavant. Les tentes étaient dressées ; chaque objet était à la place où il avait été jeté dans la précipitation du départ, tout était empreint de ce caractère d’immobilité qui annonce une complète solitude. Le temps et l’intempérie des saisons auraient pu seuls amener quelques changements. Le bâtiment naufragé était toujours enfoncé sur le roc, et semblait y faire partie inhérente du grand paysage qui l’entourait.

C’est toujours un soulagement de sortir de la prison d’un bâtiment, ne fût-ce que pour errer au milieu des sables arides d’une plage déserte. À peine les bâtiments furent-ils amarrés, que tout l’équipage, à qui on avait donné un jour de congé, se répandit sur le rivage. Il n’y avait plus d’ennemis à craindre, et chacun s’apprêtait à jouir à sa manière de sa liberté. Les uns préparaient des lignes et commençaient à pêcher ; d’autres tendaient des seines ; les moins dili-