Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 22, 1845.djvu/307

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’eau une jeune personne, c’est bien le moins qu’on l’écrive à ses amis.

Grace parlait étourdiment et sans arrière-pensée ; et cependant ce peu de mots jeta du froid sur le reste de notre promenade. Lucie ne dit plus rien, je devins pensif et maussade ; la conversation languit, et nous ne tardâmes pas à rentrer.

Je fus occupé toute la matinée à parcourir la ferme avec M. Hardinge, et à entendre ses comptes de tutelle. J’en connaissais déjà les résultats généraux, et l’Aurore était là pour me les rappeler ; mais il me fallut écouter les plus minutieux détails. M. Hardinge était l’homme le plus simple et le plus confiant du monde ; et si mes affaires avaient si bien tourné, il fallait l’attribuer à l’état prospère du pays à cette époque, au système de culture que mon père avait adopté de son vivant, et aux choix excellents qu’il avait faits des personnes qui devaient le seconder. Si la chose eût dépendu des connaissances et de la direction du bon ministre, tout aurait été bientôt de travers.

— Je ne crois pas aux miracles, mon cher Miles, dit mon tuteur en s’admirant dans son ouvrage avec une bonhomie charmante ; mais je crois vraiment qu’il s’est opéré en moi un changement pour me trouver en état de faire face à toutes les difficultés d’une position où les intérêts de deux orphelins m’étaient si subitement confiés. Grâce à Dieu, tout prospère, et je ne m’en suis pas tiré trop mal. Moi qui n’avais jamais acheté un boisseau de blé de ma vie, je suis parvenu à faire toutes mes emplettes de grain sans trop de peine. Pour un homme de ma profession et de mon caractère, ce n’est pas mal, n’est-ce pas ?

— J’espère, mon cher monsieur, que le meunier a fait tous ses efforts pour vous seconder de son mieux ?

— Morgan ? oui, sans doute ; il est toujours prêt, et je ne manque jamais de l’envoyer au marché, soit pour vendre, soit pour acheter. En vérité ses conseils sont toujours si excellents que je dirais qu’il a le don de prophétie, si ce n’était un blasphème ; car il faut éviter l’exagération, même dans l’expression de notre reconnaissance, mon garçon.

— Il est vrai, monsieur. Et comment vous y êtes-vous pris pour vendre si avantageusement les récoltes sur pied ?

— Toujours grâce au même conseiller, Miles. Et puis, il faut dire que nous avons eu des récoltes superbes. Tout cela a été si bien conduit, si bien dirigé !

— Le vieil Hiram — c’était l’oncle de Neb — n’a pas dû non plus