Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 22, 1845.djvu/309

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— Enfin, puisque la chose n’est pas possible, voyons, n’avez-vous pas quelque autre choix à m’indiquer ?

— Je vous parlais tout à l’heure de miss Merton, quoique je ne la connaisse pas assez bien pour vous dire de la prendre les yeux fermés. Tenez, pas plus tard qu’hier, je disais à Lucie, pendant que nous remontions le fleuve, et que vous faisiez admirer à miss Merton les beautés du paysage, que je pensais que vous feriez un des plus jolis couples de l’État, et en outre… Mais, voyez donc comme ce blé pousse, comme les épis sont pleins ! La récolte sera magnifique. En vérité, il y a une Providence en toutes choses ; car, d’abord, je voulais mettre le blé sur la colline qui est là-bas, et les pommes de terre ici ; mais le vieil Hiram, cédant à quelque inspiration miraculeuse, a voulu absolument mettre le blé dans la plaine et les pommes de terre sur la colline. Voyez aujourd’hui comme tout cela vient ! Dire que c’est un nègre qui a eu cette idée !

M. Hardinge, lui aussi, était presque étonné qu’un nègre eût des idées.

— Mais, Monsieur, vous alliez m’apprendre ce que vous avez encore dit à Lucie ?

— C’est vrai, c’est vrai ; il est tout naturel que vous aimiez mieux m’entendre parler de miss Merton que de pommes de terre. C’est ce que je dirai aussi à Lucie, n’en doutez pas.

— J’espère, Monsieur, que vous n’en ferez rien, m’écriai-je tout alarmé.

— Et pourquoi donc, s’il vous plaît ? quel crime y a-t-il dans un amour vertueux ? Je ne manquerai pas de le lui dire, au contraire ; car, voyez-vous, Miles, Lucie vous aime autant que moi. Ah ! mon beau jeune homme, vous rougissez comme une jeune fille ! Il n’y a pas de quoi cependant.

— De grâce, laissez là ma rougeur, et apprenez-moi ce que vous disiez encore à Lucie ?

— Je lui disais… je lui disais… — ma foi, je lui disais qu’après avoir été si longtemps seul avec miss Merton dans une île déserte, et ensuite à bord du même bâtiment, il serait bien étrange que vous n’eussiez pas pris de l’affection l’un pour l’autre. Il y a bien la différence de pays…

— Et de position, Monsieur.

— Comment de position ? je n’en vois vraiment pas, qui puisse être un obstacle à votre union.

— Elle est fille d’un officier de l’armée anglaise, et je ne suis qu’un simple patron de navire. C’est une différence, n’est-il pas vrai ?