Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 22, 1845.djvu/312

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— Le capitaine Wallingford — que ce mot de capitaine me parut déplaisant ! — connaît peu les jeunes personnes, dit-elle avec froideur, s’il suppose que quand on a vu d’aussi belles perles que celles qu’il possède, on n’en parlera pas.

— Voyons les perles, Miles, et ce sera votre meilleure excuse.

— Les voici donc ! convenez que vous n’en avez jamais vu de pareilles.

Dès que j’ouvris mon écrin, ce furent des transports d’admiration incroyables. Rupert lui-même, qui se piquait d’être connaisseur pour tout ce qui tenait à la toilette, jeta son cigare et se rapprocha de nous pour mieux voir. Il fut déclaré unanimement que New-York ne possédait rien de comparable. Je fis alors la remarque que je les avais pêchées moi-même dans la mer.

— Combien cette circonstance ajoute à leur valeur ! dit Lucie à voix basse, mais avec sa manière franche et naturelle.

— C’était les avoir à bon marché, n’est-ce pas, miss Wallingford ? ajouta Émilie avec une expression de malice qui ne me plut guère.

— Sans doute ; mais, comme disait Lucie, pour nous elles n’en sont que plus précieuses.

— Si miss Merton veut bien oublier mon accusation de haute trahison, et consentir à mettre le collier à son cou, vous en jugerez encore bien mieux, Mesdames. Si un joli collier embellit une jolie femme, l’effet produit est réciproque. Je l’ai déjà vu à cette place, et je vous assure que ni l’un ni l’autre n’y perdaient.

Grace joignit ses instances aux miennes, et Émilie consentit à mettre le collier. La blancheur éblouissante de sa peau donnait aux perles un lustre qu’elles n’avaient certainement pas auparavant. On ne savait ce qu’on devait le plus admirer, du bijou ou de la monture.

— Oh ! qu’elles sont belles à présent ! s’écria Lucie dans sa naïve admiration. Oh ! miss Merton, vous devriez toujours porter des perles.

Ces perles, voulez-vous dire, observa Rupert, qui était toujours très-généreux avec la bourse des autres. Le collier ne devrait jamais quitter la place où il est à présent.

— Miss Merton connaît sa destination, dis-je avec enjouement, et les conditions du propriétaire.

Émilie détacha lentement le collier, le mit devant ses yeux, et le regarda longtemps et en silence.

— Et quelle est cette destination, Miles ? demanda ma sœur ; quelles sont les conditions à remplir ?