Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/106

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

devait croire les plus propres à m’intéresser. Au lieu de se jeter dans des lieux communs dont la maladresse révolte au lieu de distraire, il eut le bon esprit de rattacher la conversation à la perte même que je venais de faire.

— Je suppose, cousin, que vous vous remettrez en mer dès que votre bâtiment sera prêt, me dit-il. C’est un moment de grande activité pour le commerce, et celui qui reste les bras croisés perd des occasions d’or.

— L’or n’a plus de charmes pour moi, mon cousin, répondis-je tristement. Je suis plus riche maintenant qu’il n’est nécessaire pour le peu de besoins que j’ai, et comme il est probable que je ne me marierai jamais, je ne vois pas grand intérêt à me fatiguer davantage. Cependant je m’embarquerai sur mon bâtiment, et cela le plus tôt possible. Pour rien au monde je ne voudrais passer ici l’été, et j’aime la mer. Oui, oui, il faut que j’entreprenne un voyage sans délai ; c’est le parti le plus sage.

— Voilà parler en homme ! Il n’y a point de poules mouillées parmi les Wallingford, et vous êtes de la vraie roche. Mais pourquoi ne jamais vous marier, Miles ? Votre père était marin, et il s’est marié. J’ai toujours entendu dire qu’il s’en était très-bien trouvé.

— Mon père a été heureux en ménage, je le sais ; mais néanmoins je sens que je resterai garçon.

— En ce cas, que deviendra Clawbonny ? demanda Jacques Wallingford tout crûment.

Je ne pus m’empêcher de sourire de la question. Je le regardais comme mon héritier, quoique légalement mes biens eussent dû passer à d’autres parents ; mais il est probable que Jacques, qui était beaucoup plus âgé que moi, ne s’était jamais arrêté à la pensée qu’il pût me survivre.

— Je ferai un nouveau testament dès que je serai arrivé à New-York, et je vous laisserai Clawbonny, répondis-je sans hésiter, — car c’était la pensée qui m’était venue du premier moment que je l’avais vu ; — vous êtes la personne qui y avez le plus de droits, et si vous me survivez, la propriété est à vous.

— Miles, j’aime cela ! s’écria mon cousin avec une sincérité étrange en étendant la main pour prendre la mienne, qu’il serra de toutes ses forces ; vous avez raison ; je dois être l’héritier du bien si vous mourez sans enfants, quand même vous laisseriez une veuve.