Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/121

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rente de mon cousin, et ses manières toutes rondes, triomphèrent de mes scrupules, et je consentis à faire l’emprunt aux conditions qu’il avait tracées. Jacques Wallingford rédigea l’acte lui-même, et je n’eus qu’à signer. L’argent était prêté à cinq pour cent, mon cousin refusant positivement de recevoir l’intérêt légal d’un Wallingford. Le jour du paiement fut fixé à six mois de date, et tout fut fait dans les formes.

— Je ne ferai pas enregistrer cette hypothèque, Miles, dit Wallingford en pliant le papier, j’ai trop de confiance en votre loyauté, pour croire cette précaution nécessaire. Vous avez donné une première hypothèque sur Clawbonny avec trop de répugnance pour qu’il soit probable que vous vous hâtiez d’en laisser prendre une seconde. Quant à moi, j’avoue que j’éprouve un secret plaisir à tenir, même par ce tout petit bout, la vieille maison. Il me semble que je suis plus que jamais un Wallingford.

J’admirais à quel point mon cousin poussait l’orgueil de famille, et je commençais à croire que j’avais été trop humble en appréciant ma position dans le monde. Il était difficile, je l’avoue, que je me fisse illusion sur ce point, et cependant quand je voyais un homme qui pouvait prêter quarante mille dollars en moins d’une heure, et qui pourtant se glorifiait de descendre de Miles Ier, je ne pouvais m’empêcher de regarder Miles Ier comme un personnage plus important que je ne l’avais cru jusqu’alors. Quant à l’argent, j’étais flatté de la confiance que Jacques Wallingford avait en moi ; j’avais réellement envie de tenter la spéculation pour laquelle il m’avançait les fonds nécessaires, et je regardais son refus de faire enregistrer l’hypothèque comme un acte de délicatesse qui faisait honneur à son cœur.

Mon cousin ne m’abandonna pas aussitôt après avoir rempli ma bourse. Il m’accompagna partout et assista à tous mes achats. Il me donna des conseils excellents, et son expérience ainsi que sa sagacité me furent très-utiles. Comme je payais tout comptant, la cargaison fut bientôt complétée.

Ces occupations continuelles étaient pour moi une distraction forcée à ma douleur, et cependant jamais l’image de Grace n’était longtemps absente de mon esprit ; et je voyais Lucie à côté d’elle, lui prodiguant les soins de la plus tendre sœur. Jacques Wallingford me quitta au bout d’une semaine, après m’avoir installé sur