Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/234

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sance des termes de marine, et que, sous ce rapport du moins, il était supérieur à Térence.

— C’est jeter l’ancre que vous voulez, Votre Honneur ? me dit-il quand je lui eus expliqué ce que je désirais. Bien sûr, c’est chose aisée, et le moment est bien choisi, car le vent n’y va pas de main morte. Quant aux guinées dont parle Votre Honneur, ce n’est pas nécessaire entre amis. Si je les accepte, c’est pour ne pas désobliger Votre Honneur ; mais le bâtiment serait conduit à un bon mouillage, quand il n’y aurait pas une pièce d’or dans l’univers. Préférez-vous mouiller un peu au large, Votre Honneur, ou bien entrer au milieu des rochers et y rester bien tranquille comme un enfant dans son berceau ?

— Je n’aimerais pas à entrer trop avant, sans un pilote de profession. Par l’aspect de la terre, il me semble qu’il nous serait facile de nous mettre à l’abri du vent, pourvu que nous trouvions un fond de bonne tenue ; c’est là le point difficile.

— Est-ce que vous ne vous fiez pas à la vieille Irlande, Votre Honneur ? et nous donc, ne sommes-nous pas là ? Vous n’avez qu’il éventer vos huniers, et à porter sur la terre ; le vieux Michel et la vieille Irlande feront le reste.

J’avoue que l’aspect de la terre ne me rassurait pas, avec un pareil pilote ; mais nous étions trop peu nombreux pour pouvoir espérer de nous maintenir au large, si le grain était aussi pesant qu’il menaçait de l’être ; et il ne me fallut qu’un instant pour juger que les quatre hommes du bateau ne nous seraient d’aucun secours pour manœuvrer le bâtiment ; car il était impossible de voir des êtres plus gauches et plus empruntés. Michel seul avait quelque idée de la navigation ; mais il était trop vieux pour joindre la pratique à la théorie, et lorsque je l’envoyai au gouvernail, Neb fut obligé de rester auprès de lui pour l’aider à le manier. Cependant il fallait bien se résigner, et je gouvernai sur la terre. Si je ne trouvais pas un bon ancrage, il serait toujours temps de revenir au large. Les quatre pêcheurs restèrent sur notre bord, et nous remorquâmes leur bateau. Le vent était devenu tel que le roulis rendait presque impossible de se tenir debout sur le pont.

C’est une chose délicate de mettre tout son espoir de salut dans une ancre au milieu de rochers, et, d’un autre côté, je craignais qu’il ne fût difficile de trouver un fond convenable, en restant à la dis-