Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/285

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tous les moyens possibles pour protéger les sujets de Sa Majesté.

— Cela peut être vrai, Monsieur, mais il est pourtant de grands principes d’équité que nous ne devons jamais oublier, même en faisant notre devoir. Vous voyez, monsieur Wallingford, que vos compagnons sont en dissidence complète avec vous ; on ne peut se défendre des soupçons les plus fâcheux. Je manquerais à tous mes devoirs si je négligeais de vous arrêter et de vous traduire tous en justice.

— Si mes compagnons ont été assez malavisés pour faire les dépositions que vous avez lues, je ne puis que le déplorer ; je vous ai dit la vérité, et je n’ajouterai rien de plus. Quant à ce que vous voulez faire de nous, comme je suppose que toutes mes représentations seraient inutiles, je préfère m’en abstenir.

— Vous êtes fier, Monsieur ; et je désire que votre innocence paraisse aussi claire à vos juges. Quoi qu’il en soit, on ne peut pas prendre impunément la vie des sujets du roi.

— Pas plus que la propriété d’un citoyen américain, sans doute, Milord. Quand même j’aurais employé la force pour reprendre mon bâtiment, quand j’aurais jeté l’équipage de prise à la mer, je crois que je n’aurais rien fait de plus que mon devoir.

— Très-bien, Monsieur ; tout ce que je désire pour vous, c’est qu’un jury anglais envisage l’affaire sous le même point de vue. Pour le moment, préparez-vous à passer sur le Rapide, car il ne faut pas que vous soyez séparé des témoins importants que nous pouvons y trouver. Quant aux citoyens dont vous parlez, ils sont tenus de se soumettre à la décision des cours de l’Amirauté, et ils ne peuvent refaire la loi suivant leurs caprices.

— Nous verrons, Milord ; quand cette affaire sera connue dans mon pays, nous en entendrons parler.

Je prononçai ces paroles avec une certaine emphase ; j’étais jeune alors, — je n’avais pas encore vingt-trois ans, — et j’avais pour mon pays, pour son indépendance, pour sa justice, pour sa ferme volonté de faire le bien et de ne se soumettre à aucun outrage, enfin de ne jamais sacrifier un seul principe à l’intérêt, cette admiration aveugle que la plupart des jeunes gens ont pour des parents chéris. Suivant les idées de presque tous les citoyens américains de mon âge, le nom même qu’ils portaient devait être pour eux une protection dans toutes les parties du monde, sous peine d’encourir la juste indigna-