Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/311

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sourire qui, cette fois, n’avait rien de forcé, venait d’éclore sur ses lèvres. À bien dire, il s’écoula dix à douze minutes pendant lesquelles on eût pu croire qu’aucun de nous n’avait toute sa raison. Lucie riait et pleurait à la fois, et, à travers ses larmes et son sourire, perçait une vive impatience d’apprendre ce qui était arrivé, et comment je pouvais me trouver en prison. Enfin, quand je pus rassembler mes idées, je racontai la manière dont j’avais perdu mon bâtiment, la raison qui avait fait vendre Clawbonny, et le motif présumé de mon arrestation.

— Je suis bien aise du moins que mon cousin Jacques Wallingford ne soit pour rien dans cette affaire, tout en déplorant sa mort. Il m’eût été pénible de penser qu’un parent eût ourdi une trame si noire pour me ruiner.

— Ce que je n’aime point, reprit M. Hardinge, c’est qu’il ait promis de vous nommer son héritier, et qu’il n’en ait rien fait. Quand on promet, on doit tenir. Cela me paraît suspect.

Lucie n’avait pas dit un seul mot pendant tout le temps que j’avais parlé ; son regard limpide attaché sur moi exprimait seul l’intérêt qu’elle éprouvait ; mais dans ce moment elle intervint à son tour.

— Il ne nous intéresse guère à présent, dit-elle, de savoir quel a pu être le motif de M. Jacques Wallingford. J’ai toujours cru, comme Miles, que c’était un homme bizarre, mais loyal. Il pouvait avoir l’intention de remplir sa promesse, quand la mort l’a surpris. Mais, mon cher père, ce dont il faut nous occuper pour le moment, c’est de tirer Miles de ce vilain endroit le plus tôt possible.

— Sans doute, ce cher enfant ; il ne faut pas qu’il passe la nuit ici. Mais comment allons-nous nous y prendre ?

— Je crains, mon cher Monsieur, que votre bonne volonté ne soit stérile. Je ne dois réellement que treize mille dollars ; mais la prise de corps a été décernée sans doute pour la totalité de la créance. Comme, en me faisant arrêter, on n’a eu d’autre but que de me faire consentir à un arrangement qui consommerait ma ruine, il n’est pas probable qu’on se contente d’une caution donnée pour une somme moindre que celle que la loi permet d’exiger. Je ne connais personne qui puisse la fournir pour moi.

— Eh bien ! moi, j’en connais, — Rupert et moi.

L’idée de contracter cette obligation envers Rupert m’était odieuse,