Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/345

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des palissades ; et, en dix jours d’essais, il abattit trois rouge-gorges, un écureuil et un corbeau, prétendant qu’il avait aussi blessé un pigeon et effrayé tout une troupe de cailles.

Dans le second mois de notre mariage, j’allai passer avec Lucie une semaine très-agréable à Willow Cove. À ma grande surprise, je reçus une visite de l’écuyer Van Tassel, qui semblait ne conserver aucune rancune. Marbre avait fait sa paix avec lui, dès qu’il avait été remboursé intégralement, capital et intérêts ; mais, dans l’intimité, il parlait toujours de lui avec un souverain mépris.

Marbre perdit sa mère un an après notre retour de notre triste voyage à bord de l’Aurore. Un mois ou deux auparavant, il avait perdu sa nièce, par suite de son mariage avec le fils du « voisin Bright ». À partir de ce moment, il vécut presque constamment avec nous à Clawbonny, et même il venait parfois nous rendre de petites visites à Chamber-street. Je dis à Chamber-street, car les empiétements du commerce n’avaient pas tardé à nous chasser de Wall-street ; c’était en 1805. Vingt ans plus tard, il fallut reculer encore d’un mille, pour habiter le beau quartier ; et enfin en 1839, nous nous installâmes dans Union-place, à près d’une lieue de l’endroit où Lucie avait commencé ses fonctions de femme de ménage dans la ville toujours croissante de Manhattan.

Quand Marbre s’était de nouveau trouvé orphelin, il s’était plaint qu’il n’était guère qu’un infernal ermite à Willow Cove, et il s’était mis à parler de courir encore le monde. Un beau matin, je le vis paraître à Clawbonny, avec armes et bagage, et décidé à chercher une place de lieutenant à bord de quelque bâtiment des Indes orientales. Je lui laissai conter son histoire ; je le retins quelques jours avec moi, pendant que je surveillais les maçons qui achevaient le pavillon que, moi aussi, j’ajoutais à la maison ; et ensuite nous nous rendîmes ensemble à New-York. Je conduisis Moïse au chantier de construction, et je lui montrai un beau bâtiment, doublé et chevillé en cuivre, dont on ajustait les mâts, en lui demandant comment il le trouvait.

— Et son nom ? me dit-il.

— Un nom de votre connaissance : L’Échalas. Vous n’avez pas oublié ce fier sauvage ?

Moïse devina la vérité, et il me demanda quelle était la destination du bâtiment.