Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/40

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minée avant que je lève l’ancre. Ma mère dit qu’il demeure tout près d’ici. Je vais, ce soir même, aller lui dire deux mots.

Cette déclaration me donna à réfléchir. Je connaissais Marbre trop bien pour ne pas craindre qu’il ne fît quelque coup de tête s’il était abandonné à lui-même dans une négociation de cette nature, et je crus devoir revenir sur mes pas pour prendre de nouveaux renseignements. Les marins cèdent si vite au premier mouvement ! Mistress Wetmore me confirma ce que son fils m’avait dit ; et comme le seul valet de ferme qu’elle employât était occupé à atteler le cheval à un vieux cabriolet pour aller chercher Kitty, qui était à peu de distance chez quelques amies, j’offris de partir à sa place afin de pousser en même temps jusque chez l’homme d’affaires. Je pris l’affiche de la vente pour la lire en route, et je partis avec Marbre.

Il nous restait encore assez de temps pour cette petite excursion. Il est vrai que le cheval était comme la maison, comme la maîtresse, comme le valet de ferme, comme la voiture, comme tout ce que nous avions vu à Willow Cove (l’Anse des Saules) — c’était le nom de l’endroit, — il était vieux ; il n’allait donc pas vite, mais du moins il avait le pied sûr. Nous avions d’abord à gravir un ravin, ce dont la pauvre bête ne s’acquitta pas trop mal, et le paysan nous accompagna à pied jusqu’à ce que nous fussions en haut du chemin, pour nous indiquer la route.

De la hauteur, — expression qui n’est exacte que par rapport au fleuve, car, dans cette partie de l’État, tout le pays est de niveau, la vue était étendue et très-jolie. Willow Grove (le Bocage des Saules) comme Marbre appela trois ou quatre fois l’habitation de sa mère pendant que nous montions doucement, avait un aspect des plus pittoresques, encadré comme il l’était par les hauteurs qui dominent le fleuve. Dans l’intérieur des terres, nous voyions une centaine de fermes, des bosquets sans nombre, un hameau à un mille de nous, un vieux clocher d’église en forme d’éteignoir, et plusieurs maisons de bois peintes en blanc, entremêlées çà et là de quelques constructions antiques en briques ou en pierres, blanchies à la chaux ; car les Hollandais de l’État de New-York avaient apporté avec eux les habitudes de leur pays.

Le guide nous indiqua la maison de Van Tassel, et une autre où nous devions trouver Kitty. Le cheval n’était pas vif, et Marbre et moi nous eûmes tout le temps de préparer nos batteries avant d’arriver au