Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/53

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Dieu, voulez-vous dire ? Oh ! croyez-vous que je puisse l’oublier !

— Non, c’est d’un ami sur la terre que je veux parler. J’en connais un que vous n’avez pas encore nommé.

— Un ami ? serait-ce Horace Bright, Monsieur ?

Ce nom fut prononcé avec une légère rougeur, mais en même temps avec une naïveté enfantine qui me charma.

— Et quel est cet Horace Bright ? demandai-je en m’armant de tout mon sérieux.

— Oh ! rien, Monsieur, — c’est seulement le fils d’un de nos voisins. Voyez-vous là-bas cette vieille maison en pierres qui s’élève sur le bord de l’eau, au milieu des pommiers et des cerisiers, sur la même ligne que cette grange ?

— Parfaitement ; elle est dans une très-jolie position. Nous l’avions remarquée en venant.

— Eh bien, c’est là que demeure le père d’Horace ; et c’est une des meilleures fermes des environs. Mais grand-mère me répète toujours de ne pas faire attention à ce qu’il dit, parce que les garçons parlent à tort et à travers. Et puis, il n’est pas le seul qui s’intéresse à nous : tout le monde ici nous plaint, quoiqu’on ait peur de l’écuyer Van Tassel.

— Voyez-vous, comme dit grand-mère, ne vous fiez pas trop au jeune Horace ; à son âge, on ne pense pas toujours tout ce qu’on dit.

— Eh bien ! moi, je suis bien sûre qu’il le pense, lui ; mais il a beau protester que je ne serai jamais abandonnée, ce n’est pas lui que ce soin regarde ; j’ai mes tantes qui ne m’oublieraient pas.

— Et si elles venaient à vous manquer, s’écria Marbre avec une émotion visible, votre oncle est là, ma chère, et on n’aurait pas besoin de l’envoyer chercher, je vous en réponds !

— Quel oncle ? répondit Kitty surprise, et se serrant derechef contre moi. Mon père n’a jamais eu de frère, et le fils de grand-mère est mort.

— Non, Kitty, il n’est pas mort, dis-je en faisant signe à Marbre de ne point bouger. C’est une bonne nouvelle que j’avais à vous annoncer. Votre oncle vit, il se porte à merveille ; il a passé l’après-midi avec votre grand-mère ; il a plus d’argent qu’il n’en faut pour satisfaire cet infâme usurier, et ce sera un père pour vous.

— Oh ! mon Dieu ! serait-il possible ? s’écria Kitty en se rappro-